Les néonics nuiraient aussi aux oiseaux chanteurs
Bruant Ă couronne blanche portant un transmetteur. Photo: Margaret Eng
Si vous n’avez jamais entendu parler de la controverse entourant les pesticides néonicotinoïdes (généralement appelés néonics) et de leurs effets sur les pollinisateurs, en particulier sur les abeilles domestiques, vous n’écoutez pas très attentivement les médias. C’est un sujet de discussion depuis plusieurs années déjà . Mais, d’après une étude récemment publiée, ces insecticides pourraient aussi avoir un effet majeur sur les petits oiseaux.
L’emploi des néonics
En règle générale, les néonics sont appliqués sur les semences de grande culture comme le maïs, le soja et le colza (canola) avant leur ensemencement dans le champ. Quand les semis germent, ils absorbent le pesticide (qui est systémique) et celui-ci est alors diffusé à travers les plantes par la sève, les protégeant ainsi des insectes nuisibles qui pourraient vouloir les attaquer tels que les altises et les chenilles.
L’effet sur les oiseaux
Ça fait longtemps qu’on accuse ces pesticides de nuire indirectement aux petits oiseaux en tuant leurs insectes proies, mais cette Ă©tude montre qu’ils pourraient aussi nuire Ă la reproduction des oiseaux granivores.
Il faut comprendre que, mĂŞme dans le meilleur des cas, toutes les semences traitĂ©es aux nĂ©onics ne sont pas recouvertes de terre après l’ensemencement et que les oiseaux granivores n’hĂ©sitent pas Ă ingĂ©rer les graines exposĂ©es. Cette Ă©tude suggère que cela peut avoir un effet nĂ©faste sur leur reproduction.
Les chercheurs ont étudié le cas du bruant à couronne blanche (Zonotrichia leucophrys), petit oiseau chanteur qui hiverne dans le sud des États-Unis, mais qui niche dans les forêts boréales du Canada. Au cours de sa migration annuelle, il se nourrit de graines, dont peut-être des semences traitées aux néonics.
L’étude consistait à piéger des bruants au cœur de leur migration printanière vers le nord et à leur administrer une goutte d’huile contenant de l’imidaclopride*: certains recevaient une faible dose et d’autres une dose plus importante, alors que le groupe témoin recevait uniquement de l’huile. Ils ont ensuite été relâchés et leurs déplacements ont été suivis à l’aide d’émetteurs. Le résultat chez les oiseaux ayant absorbé le pesticide a été une perte de poids rapide (en quelques heures), suivie d’un retard dans leur migration vers le nord, le temps qu’ils récupèrent du traitement. Le retard était de 3,5 jours en moyenne pour les bruants exposés à la plus forte dose comparativement aux bruants qui n’en avaient pas reçu.
*L’insecticide nĂ©onicotinoĂŻde le plus couramment utilisĂ© en agriculture.
Cette escale prolongĂ©e les a non seulement rendus plus vulnĂ©rables aux prĂ©dateurs, mais a aussi affectĂ© leur capacitĂ© Ă se reproduire. Selon la chercheuse Margaret Eng de l’UniversitĂ© de la Saskatchewan, une arrivĂ©e tardive Ă leur lieu de nidification signifie qu’ils trouvent souvent leur territoire occupĂ© et qu’ils manquent la pĂ©riode de pointe de la disponibilitĂ© de nourriture, essentielle pour Ă©lever leurs petits. Par consĂ©quent, mĂŞme s’ils rĂ©ussissent Ă nidifier, ils produisent moins d’œufs et moins de jeunes survivent jusqu’à l’âge adulte.
Cela semble confirmer les rĂ©sultats d’une autre Ă©tude qui a rĂ©vĂ©lĂ© que les oiseaux vivant Ă proximitĂ© de champs traitĂ©s aux nĂ©onics tardaient Ă pondre et produisaient des poussins moins sains.
Les jardiniers qui espèrent attirer les oiseaux dans leur cour n’utilisent probablement pas des nĂ©onics eux-mĂŞmes (ils sont rarement offerts comme pesticides domestiques), mais leurs amis agriculteurs pourraient bien le faire, du moins en AmĂ©rique du Nord (en Europe, l’utilisation des nĂ©onics en agriculture est largement interdite). LĂ oĂą les nĂ©onics sont utilisĂ©s, ne soyez pas surpris de voir moins d’oiseaux frĂ©quenter vos mangeoires.
Bonjour,
Je lis toujours de manière très intĂ©ressĂ©e votre courriel quotidien. Merci. Mais pour celui d’aujourd’hui, le lien vers votre blogue nous donne une page introuvable !?!! Pouvez-vous trouver et rĂ©gler le problème ?Merci d’avance.
Jean-Paul
DĂ©solant, mais non surprenant. Vivant près de Sorel-Tracy depuis 20 ans, chaque annĂ©e je dĂ©plore la diminution marquĂ©e d’oiseaux dans mon jardin pourtant 100% libre de tout produit chimique. ÉtĂ© 2019: de rares chardonnerets, quelques merles et geais bleus. Nous notons aussi quelques faits nouveaux: beaucoup moins de guĂŞpes, presque pas de fourmis, une foule de bourdons et curieusement, une plĂ©thore d’abeilles sauvages, du jamais vu. Et un miracle: quelques monarques après au moins 10 ans d’absence! Les temps sont durs pour la flore et la faune, et pour ceux qui les ont Ă coeur. Merci, Jardinier paresseux, pour cet article.