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Foutu pavot bleu!

C’est une photo comme celle-ci qui a lancé 35 ans d’efforts! Photo: www.premierseedsdirect.com

Ah! Le fameux pavot bleu! Quel jardinier ne rêve pas de mettre dans son CV, sous la rubrique Réalisations, «Ai fait fleurir un pavot bleu»? Non seulement pour sa beauté, mais aussi parce qu’il est si… capricieux! En fait, c’est bien plus le défi de le cultiver qui nous intéresse que sa fleur même.

Mes propres expériences avec cette plante remontent à mon enfance. J’avais peut-être 10 ans et j’avais vu dans le catalogue horticole de mon père une photo du pavot bleu (Meconopsis betonicifolia). Il paraissait si exotique que j’ai tout de suite su que je devais essayer de le cultiver. Mais mon père a refusé de m’en acheter des semences, disant que le pavot bleu était trop difficile pour de petits garçons.

Sachet de semences de pavot bleu. Photo: www.amazon.com

Trois ans plus tard, ayant réussi à cultiver des bégonias à partir de semences l’été d’avant, je me croyais prêt à relever tout défi horticole. De plus, je passais désormais mes propres commandes de semences: mon père ne pouvait plus m’empêcher d’en faire venir, ce que je fis… et ce fut un désastre. Pas une seule graine n’a levé! Le printemps suivant, j’ai essayé de nouveau, sans plus de succès. J’ai alors remis l’idée de cultiver un pavot bleu aux calendes grecques.

Un rêve enfin réalisé

C’est seulement 30 ans plus tard que j’ai osé essayer de nouveau.

J’étais alors un horticulteur amateur invétéré et je cultivais beaucoup de plantes inhabituelles et «difficiles». Peut-être toutefois avais-je l’impression jusque-là qu’il manquait une plume à mon chapeau de jardinier, mais l’envie de cultiver le pavot bleu m’a repris et j’ai encore fait venir des semences. Dans le sachet, il devait bien y avoir 200 graines! Fines comme de la poussière, elles paraissaient bien fragiles, mais j’avais lu et relu les conseils des meilleurs experts en la matière… dans des livres (Internet n’existait pas encore). Comment pouvais-je échouer?

Entre autres, j’avais appris que le pavot bleu déteste la chaleur et qu’il faut faire germer ses semences à la fraîcheur. Aussi, certains experts recommandaient de lui donner un traitement au froid de plusieurs semaines avant la germination. C’est pour cette raison que j’ai semé les semences en pot et que j’ai ensuite placé le pot dans ma couche froide, à l’automne. Cela garantissait un hiver froid et un long printemps frais.

Eureka! En mai, me voilà propriétaire de 10 petits semis de pavot bleu. Honnêtement, le taux de germination était plus que décevant: seulement 10 graines sur 200 ont levé. Mais 10 est néanmoins mieux que zéro!

Les semis de pavot bleu sont petits et fragiles. Photo: gardenofeaden.blogspot.com

Aussi, j’ai vite appris que les semis de pavot bleu sont minuscules, gros comme des têtes d’épingle. Et fragiles, si fragiles! Il fallait maintenir une humidité de sol parfaite pour les garder en vie. Ainsi, à cause d’un arrosage retardé, j’ai perdu un plant. Puis, la chaleur en a tué deux autres. Bientôt, il n’est plus resté que trois plants.

Enfin assez gros pour aller dans le jardin. Photo: www.growsonyou.com

D’après les recherches que j’avais faites, les plants de pavot bleu seraient assez gros pour fleurir la deuxième année suivant le semis. Dans mon cas, cependant, un an plus tard, ils n’étaient pas assez gros pour être repiqués en pleine terre. Il m’a fallu un été supplémentaire pour obtenir des plants assez gros pour être transplantés au jardin, en septembre. 

Au printemps, il n’y avait plus qu’un plant! Mais au moins, il produisait des boutons floraux! 

En théorie, il vaut mieux sacrifier les boutons de la première floraison. Photo: www.gardentags.com/

Les experts disaient toutefois qu’il ne fallait pas laisser un pavot bleu s’épanouir à sa première floraison, sinon il agirait comme une bisannuelle et mourrait après la floraison. Il fallait, disaient-ils, supprimer les boutons et attendre encore un an. 

Ça m’a fait mal au cœur de couper les boutons de mon seul plant après tant d’années d’efforts, mais je l’ai fait.

Où sont mes fleurs?

Bouton floral s’apprêtant à ouvrir. Photo: flowers.cveti-sadi.ru

Au printemps suivant, mon unique pavot bleu était encore en vie et encore porteur de boutons floraux. Je les ai fièrement regardés se préparer à s’épanouir. J’allais enfin réussir! 

Parti quelques jours pour donner une série de conférences, j’avais bien hâte de revenir, car je savais que les fleurs seraient écloses. À mon arrivée, je courus les admirer enfin! 

Quoi? Plus une fleur! Quelqu’un les avait coupées au sol!

Je n’ai pas le droit de vous dire qui, car elle me tuerait, mais j’ai confronté la coupable la plus probable. «Où sont les pavots?» ai-je crié. 

«Quels pavots?» dixit la suspecte, honnêtement perplexe.

«Les pavots bleus!»

«Ah, les fleurs bleues! Quelle déception! a-t-elle déploré. Je les ai coupées pour faire un bouquet que j’ai apporté au bureau… et elles n’ont même pas duré une journée!» 

Enfin des fleurs!

Quelle fierté quand la plante fleurit enfin! Photo: www.holywelllaneplants.co.uk

L’année suivante, évidemment, défense de toucher à mon pavot! Cette fois-ci, il a fleuri et ses fleurs étaient magnifiques, du même beau bleu que dans les catalogues. Et la plante est morte peu après. Malgré la suppression de ses deux premières floraisons, elle a décidé qu’elle n’était pas une véritable vivace, mais plutôt une bisannuelle et elle est morte sans produire de rejets…

En bien, tant mieux! Je ne veux plus jamais cultiver une plante aussi chiante! Des défis, j’en ai déjà assez dans ma vie. Je laisse le foutu pavot bleu à d’autres. 

D’ailleurs, si vous tenez à cultiver cette plante de malheur, voici ma suggestion: achetez-vous un pavot bleu en boutons, flanquez-le dans votre plate-bande, ne supprimez pas ses boutons et, quand ils s’épanouissent, faites un selfie, vous photographiant à ses côtés… puis placardez la photo partout sur Internet: Facebook, Instagram, Twitter, etc. Ainsi, tout le monde saura que vous êtes arrivé au summum comme horticulteur et vous n’aurez pas besoin de passer par 35 ans de souffrances avant d’y arriver. 

Oui, le pavot bleu est beau, mais la vie est trop courte pour s’embarrasser d’une plante aussi capricieuse!

Étiquettes + Meconopsis betonicifolia, pavot bleu


commentaire sur "Foutu pavot bleu!"

  1. Ah le beau pavot bleu! J’ai appris avec d’autres plantes à ne pas « m’esccrimer » pour des plantes qui ne conviennent pas au climat, entre autres. Mais mon compagnon aime les défis… J’en ai semé, j’en ai acheté, mais j’avoue que je ne leur accordais pas beaucoup d’attention. Ils fondaient littéralement lors des canicules montréalaises. Bye pavot bleu, sans regrets 🙂

  2. Joscelyne Duchesne

    Et quand on veut les voir on va visiter le Jardin Reford et on se délecte. C’est ce que je fais mais Bravo à ceux qui ont la patience.

  3. Bonjour Rachel, ça ne doit pas être évident de jardiner avec un climat aussi dur que le votre ! Quand je pense que les jardiniers français se plaignent du leur, ils feraient bien de faire un tour chez vous ! Bien cordialement. Gérard, de Normandie, France.

  4. Quel suspens jusqu’au bout ! Quelle diva ce pavot bleu, je l’aime bien moi 🙂 J’ai bien envie d’un petit selfie avec !

  5. Toujours la fascination du bleue. Ce qui me ramène à cet autre article du Jardinier paresseux, https://jardinierparesseux.com/2017/08/29/34161/. Je suis également tombé sous le charme du Pavot bleu, cet été au merveilleux Jardin de Quatre Vents de La Malbaie (https://cepas.qc.ca/jardins-quatre-vents/). Au-delà du Pavot, je constate que la couleur bleue fascine et vole toujours la vedette au jardin. Cette année ce fut l’effet de la Nigelle de Damas et de la Centaurée bleue dans mes plates-bandes. Petites mais si lumineuses tout en redorant l’allure des tagettes jaunes-oranges qui les voisinent. Vive le bleu au jardin !

  6. A voir aussi dans toute leur splendeur au Jardin de Berchigranges (sur la ligne bleue des Vosges) !

  7. J’ai découvert votre blogue tout récemment et ayant quitté ma banlieue montréalaise pour le calme des Chaudière-Appalaches, je découvre aussi les joies (et les frustrations!) du jardinage!

    Nous laissons tout pousser comme fleurs cet été pour voir ce qu’il y a et quelle ne fut pas ma surprise de découvrir que des coquelicots poussaient çà et là sur notre terrain, jusqu’à ce que j’en découvre un tout blanc poussant dans le gravier! Est-ce bien un coquelicot blanc? Il n’a tenu qu 3-4 jours contrairement aux rouges qui sont toujours là…Je n’en avais jamais vu auparavant… et oui j’ai pris une photo, même s’il n’est pas bleu comme vos pavots!

    Et bravo pour vos articles, j’y apprends beaucoup de choses! 🙂

    • Le coquelicot (Papaver rhoeas) est un vrai pavot et très facile cultiver. La forme sauvage est rouge, mais il y a beaucoup d’autres couleurs, dont le blanc. Ce sont des annuelles, mais se ressèment facilement sous certaines conditions et alors, reviennent d’année en année.

  8. Moi aussi à chaque année !
    Et je prend un selfie avec a défaut d’en faire pousser chez moi ! ??