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La nouvelle fleur nationale (non officielle) du Canada

Saviez-vous que le Canada n’a pas de fleur nationale? 

Une soixantaine de pays en ont une. La France en a même trois, la centaurée bleuet, la marguerite et le coquelicot. La Belgique aussi: l’iris des marais pour Bruxelles-Capitale, le coquelicot pour les Flandres et la gaillarde pour la Wallonie. Le Royaume-Uni en compte quatre: la rose (Angleterre), le narcisse (pays de Galles), le lin (Irlande du Nord) et le chardon (Écosse). Aux États-Unis, la rose est la fleur nationale et en Australie, c’est le mimosa doré (Acacia pycnantha). Et la Suisse et l’Autriche partagent l’edelweiss comme emblème floral.

Il y a deux ans, à l’occasion du 150e anniversaire du Canada, une campagne a été organisée à travers le pays pour désigner une fleur nationale et plus de 10?000 personnes ont voté. La vaste majorité (plus des deux tiers) a choisi le quatre-temps (Cornus canadensis), aussi appelé cornouiller du Canada. C’était certainement un choix judicieux, car c’est l’une des rares plantes à fleurs que l’on trouve dans toutes les provinces et tous les territoires du vaste pays (la superficie du Canada est deux fois plus grande que celle de l’Union européenne!). Une pétition a été envoyée au Parlement canadien pour le nommer officiellement, mais il n’a pas été approuvé. Zut!

Au rythme où vont les choses gouvernementales, il faudra sans doute encore un demi-siècle avant que le choix ne soit finalement entériné!

Un emblème non officiel?

Le quatre-temps fait un joli couvre-sol. Photo: newfoundland-labradorflora.ca

En ce 1er juillet 2019, jour du 152e anniversaire du Canada, je propose à mes lecteurs canadiens de tout simplement prendre le quatre-temps comme fleur nationale non officielle! C’est si facile à faire: il suffit de le dire. Si on répète assez souvent «le quatre-temps est l’emblème floral du Canada», cela deviendra une vérité… non officielle!

D’ailleurs, de nombreux pays ont un emblème floral non officiel. Les Pays-Bas n’ont jamais officiellement désigné la tulipe comme étant leur fleur nationale, mais elle est considérée comme telle à la fois par les Néerlandais et par le reste de la planète. Idem pour le cerisier à fleurs, emblème non officiel du Japon, et la pivoine, emblème non officiel de la Chine. Donc, ne me dites pas que c’est impossible!

Curieusement, toutes les provinces et tous les territoires du Canada ont un emblème floral officiel (lisez à cet effet Cultivons les emblèmes floraux du Canada). Pour le Québec, c’est l’iris versicolore (Iris versicolor), pour l’Ontario, le trille blanc (Trillium grandiflorum), pour le Nouveau-Brunswick, la violette cucullée (Viola cucullata), etc.

Description de la fleur nationale (non officielle) du Canada

Le quatre-temps, pourtant un humble couvre-sol, produit les mêmes fleurs que le cornouiller à fleurs (Cornus florida), un petit arbre. Photo: www.vdberk.co.uk

Le quatre-temps (Cornus canadensis) ressemble à une version extrêmement naine du cornouiller à fleurs (C. florida), un petit arbre à la floraison extraordinaire. Il a les mêmes fleurs, mais elles s’étalent sur le sol plutôt que de paraître à l’extrémité de branches élevées. En effet, la petite plante vivace mesure rarement plus de 7 à 20 cm de hauteur. À l’état sauvage, il compense sa taille réduite en formant de vastes tapis dans des zones boisées, notamment dans la forêt boréale (forêt de conifères).

La «fleur» du quatre-temps est en fait une inflorescence composée de petites fleurs entourées de quatre bractées blanches. Photo: www.adirondackalmanack.com

Chaque plante consiste en une simple tige non ramifiée surmontée d’un verticille de 6 feuilles (4 sur des spécimens plus jeunes). Les feuilles à la marge lisse et distinctement nervurées sont vert foncé brillant au printemps et en été, violettes à rouges en automne et absentes en hiver. À la fin du printemps ou au début de l’été, selon le climat, une grappe dense de petites fleurs jaunâtres apparaît au sommet de la tige, entourée de 4 bractées de couleur blanc crème. La grappe de fleurs avec son «auréole» blanche ressemble tellement à une fleur unique qu’elle est ainsi considérée par la plupart des gens. 

Les bourdons, les abeilles solitaires et les syrphes sont les principaux pollinisateurs des fleurs de quatre-temps.

Le pollen est lancé à une vitesse explosive. Vidéo: Science News

Saviez-vous que le quatre-temps est l’une des plantes les plus rapides du monde? Lorsqu’un insecte touche une fleur mature, l’étamine se soulève à la vitesse de 24 000 mètres par seconde, inondant la créature de pollen. Une caméra capable de filmer 10?000 images par seconde est nécessaire pour en capter l’action!

Quatre-temps en fruit. Photo: www.florafinder.org

Les fleurs cèdent la place à une grappe de fruits vert brillant qui virent au rouge vif à l’automne, couleur qui dure souvent jusqu’à l’hiver. Il faut cependant plus d’un clone pour que les fruits soient produits, car les fleurs du quatre-temps sont essentiellement autostériles. Pour cette raison, il est généralement préférable d’acheter vos plantes de deux sources différentes, car les plantes d’une pépinière donnée sont généralement produites par division et seront alors des clones.

Les baies (en fait, il s’agit de drupes) sont consommées par de nombreux oiseaux, notamment les grives et les perdrix, ainsi que par de petits mammifères. Les humains aussi peuvent les manger (je trouve qu’ils goûtent un peu la pomme), mais il n’y a pas beaucoup de chair à manger par fruit, les deux graines occupant le gros de l’espace.

Le quatre-temps pousse lentement mais sûrement dans son milieu naturel, soit les sols frais et humides. Bien qu’il pousse fréquemment dans des sols très acides à l’état sauvage, il tolère presque tous les sols, même ceux qui sont légèrement alcalins. Aussi, il croît aussi bien dans le sable et la glaise que dans un sol riche et meuble. Dans la nature, il pousse souvent dans les sols très pauvres où peu d’autres végétaux réussissent et ainsi il nécessite rarement de l’engrais.

Le feuillage du quatre-temps change de couleur à l’automne. Photo: svseekins.wordpress.com

C’est essentiellement une plante de sous-bois, qui peut même pousser dans les endroits les plus sombres dans la nature, notamment au pied des conifères dont l’ombre persiste toute l’année. Cela dit, en plate-bande, sa croissance est plus rapide à la mi-ombre. Dans le Grand Nord, où il fait assez froid même en été, il pousse même au plein soleil, mais dans nos jardins, il risque de trouver le plein soleil trop chaud (il tolère difficilement des températures de sol de plus de 18 °C).

Il se multiplie par rhizomes souterrains, mais sa croissance est très lente. Si vous voulez créer rapidement un effet de couvre-sol, plantez des spécimens à 15 cm l’un de l’autre.

Le quatre-temps est extrêmement résistant au froid, poussant au-delà de la limite des arbres dans le nord, soit dans la zone de rusticité 2 ou même 1. Par contre, son incapacité à tolérer la chaleur estivale fait qu’il réussit rarement plus au sud que la zone de rusticité 6, même quand on le plante à l’ombre. Ainsi, il poussera presque partout au Canada, où la fraîcheur domine, mais en Europe, au climat nettement plus chaud, il préféra les zones alpines ou les forêts très denses.

Bien qu’il fasse un excellent couvre-sol, le quatre-temps ne tolérera pas la circulation piétonnière. Il souffre rarement de problèmes d’insectes et de maladies, mais ses feuilles sont consommées par les cerfs, les orignaux et les caribous dans la nature. Curieusement, les cerfs et les lapins semblent l’ignorer quand on le cultive en plate-bande… probablement parce qu’il y a des plantes beaucoup plus succulentes tout près, comme vos choux et vos hostas!

La disponibilité du quatre-temps en jardinerie est variable, mais si vous n’en trouvez pas localement, sachez qu’il est largement disponible sur Internet, notamment chez les pépinières spécialisées dans les plantes d’ombre, les couvre-sols ou les plantes très rustiques.


Le quatre-temps: la petite mais très belle fleur nationale non officielle du Canada! Peut-être mériterait-elle une place dans votre jardin?

Étiquettes + Quatre-temps, Cornouiller du Canada, Cornus canadensis


commentaire sur "La nouvelle fleur nationale (non officielle) du Canada"

  1. Mais oui! Mon grand-père les appelait «graines de perdrix». Nous en découvrions lors de nos petites randonnées (Cantons de l’Est, à l’époque), et nous en mangions quelques-unes. Je me souviens parfaitement du goût, mais hélas, je n’en ai jamais revu depuis! Merci, Jardinier, d’avoir fait surgir un beau souvenir d’enfance!

  2. Quand nous en apercevions dans la forêt, nous en mangions. Gout un peu fade mais bons quand même!

  3. Bonne idée ! J’adore cette plante !