Décès de l’hybrideur des rosiers anglais
David C.H. Austin and Bertie. Toutes les photos: DavidAustinRoses.com.
David C. H. Austin
16 février 1926 – 18 décembre 2018
Des centaines de milliers de jardiniers du monde entier cultivent des rosiers anglais, connus pour leurs abondantes fleurs très parfumées d’allure ancienne et leur constitution vigoureuse. Leur créateur, l’hybrideur David C.H. Austin, est décédé le 18 décembre 2018 à son domicile dans le Shropshire en Angleterre. Il avait 92 ans. Pendant plus de 50 ans, lui et son équipe ont révolutionné le monde des rosiers de jardin.
Je n’ai rencontré David Austin qu’une fois, très brièvement, dans sa magnifique roseraie à Albrighton, en Angleterre, en 2001, lors d’une visite guidée du jardin avec d’autres membres de la Garden Writers Association. Il a patiemment expliqué comment il développait de nouvelles variétés, de la pollinisation à la sélection finale, et montré comment greffer des plantes prometteuses sur des porte-greffes robustes. Il devait avoir environ 75 ans quand je l’ai rencontré, mais il était toujours activement impliqué dans l’hybridation.
Aujourd’hui, l’entreprise qu’il a créée possède des pépinières sur cinq continents et propose des rosiers anglais à des jardiniers de 30 pays, à la fois par vente par correspondance et par vente sur place dans la plupart des jardineries.
Histoire des rosiers anglais
David Charles Henshaw Austin est né dans le Shropshire, en Angleterre, le 16 février 1926 et est le fils d’un agriculteur. Il est tombé amoureux du jardinage alors qu’il était enfant lorsqu’il est tombé sur un magazine appelé Gardens Illustrated. En 1947, sa sœur lui a offert un livre sur les roses anciennes pour son 21e anniversaire, ce qui l’a incité à cultiver un premier rosier… et ainsi commença la passion de toute une vie!
Il a travaillé comme fermier un certain temps, mais s’est mis peu à peu à investir le gros de ses efforts dans l’hybridation de rosiers.
Il adorait les fleurs des roses anciennes, très parfumées, mais était frustré par leur saison de floraison très brève, leur gamme de couleurs limitée et leur comportement souvent capricieux. Par contre, les rosiers hybrides de thé et floribundas, si populaires à l’époque, le laissaient froid. D’accord, ils fleurissaient tout l’été et offraient une vaste gamme de couleurs, mais il trouvait leur port trop rigide et leurs fleurs trop figées. Pire encore, la plupart avaient peu ou pas de parfum. Le parfum initial des rosiers avait été essentiellement abandonné par les rosiéristes hybrideurs du début du 20esiècle en faveur de fleurs plus grosses et plus voyantes. Mais pour lui, une rose sans parfum n’était plus qu’une ombre de l’originale.
Pourquoi, pensa le jeune homme, ne pas marier les fleurs exubérantes des roses anciennes avec les bonnes caractéristiques des rosiers modernes et y ajouter aussi un trait manquant chez les deux: une bonne résistance aux maladies? La gamme complète d’attributs qu’il considérait comme «indispensables» comprenait de magnifiques fleurs à l’ancienne aux multiples pétales, un beau port arbustif, une abondance de feuillage, une floraison abondante qui se maintenait du début de l’été jusqu’à la fin de l’automne, une gamme de couleurs élargie, une résistance accrue aux maladies comme la tache noire et une excellente vigueur. Surtout, il voulait réintroduire dans les rosiers modernes le parfum capiteux des roses anciennes.
L’hybridation des rosiers est un processus extrêmement lent. Il faut semer des milliers de plantes pour espérer trouver une seule variété intéressante. Chaque année, l’équipe de David Austin réalise 50?000 croisements entre avril et juillet, ce qui donnera quelque 250?000 jeunes plants l’année suivante. À la première floraison un an plus tard, l’élimination des variétés indésirables commence, une étape qui se continuera sur encore jusqu’à 8 années. Et même lorsqu’une variété potentiellement intéressante a été notée, il faut des années d’essais et de multiplication avant de pouvoir la lancer sur le marché.
Ce n’est qu’en 1961 que David Austin a présenté le premier de ce qu’il allait appeler ses «rosiers anglais»: ‘Constance Spry’, un rosier au port à la fois arbustif et grimpant avec un parfum saisissant et une floraison luxuriante rappelant celle d’une rose ancienne. Mais ‘Constance Spry’ ne fleurit que brièvement, une fois par saison. Donc, malgré tous ses attraits, ce cultivar n’était pas tout à fait au goût du maître.
Les hybrides se succédèrent et s’améliorèrent et bientôt il a réussi à incorporer l’élément qui manquait: une capacité de fleurir sans arrêt jusqu’à la fin de l’automne. Le hic? Les pépiniéristes détaillants n’en voulaient pas, traitant ses hybrides de «ratés». D’après eux, les jardiniers voulaient des hybrides de thé et des floribundas aux fleurs solidement dressées, pas des fleurs à l’ancienne sur des tiges variablement arquées!
C’est pour cette raison qu’il fonda, en 1965, sa propre pépinière consacrée à la multiplication, la culture et la vente de rosiers. Au début, il vendait directement aux jardiniers locaux, puis par correspondance en Grande-Bretagne et en Irlande. Malgré ces efforts, toutefois, ses nouveaux «rosiers anglais» ne parvenaient pas à se faire vraiment reconnaître du public jardinier.
L’année de la grande percée
Ce n’est qu’en 1983 que M. Austin a enfin eu sa grande percée. Il a présenté trois nouveautés — ‘Heritage’, ‘Mary Rose’ et ‘Graham Thomas’ — lors du Chelsea Flower Show, la célèbre exposition florale printanière de Londres, mais c’est vraiment ‘Graham Thomas’ qui a volé la vedette. Très double, aux pétales nombreux, extrêmement parfumée et jaune très pur (une couleur rare chez les rosiers de l’époque), ‘Graham Thomas’ avait tout pour plaire. À la fois la presse et le public portèrent aux nues les fleurs voluptueuses en forme de coupe. D’ailleurs, en 2009, ‘Graham Thomas’ a reçu la plus haute distinction du monde des rosiers lorsqu’elle a été consacrée Meilleure rose du monde par la Fédération mondiale des sociétés de roses.
C’est vraiment ‘Graham Thomas’ qui a lancé la carrière d’hybrideur professionnel de David Austin. Avant GT, personne ne reconnaissait ses talents; après GT, il était vu comme un innovateur destiné à changer le monde des rosiers. Les rosiers anglais étaient subitement les rosiers à avoir. Les jardiniers appréciaient leur facilité de culture, leur adaptabilité aux climats variables (la plupart sont rustiques en zone 5, certains en zone 4!), leur floraison abondante, leur excellente résistance aux maladies, la forme à l’ancienne des fleurs et, avant tout, le parfum capiteux. À bas les rosiers hybrides de thé et floribundas : place maintenant aux «nouvelles roses anciennes» que sont les rosiers anglais.
La firme David Austin Roses a pris l’habitude de lancer annuellement deux à quatre nouvelles variétés — 240 au total! – et maintenant la plupart deviennent rapidement des succès de pépinière. David Austin Roses est devenu internationale aussi, avec des pépinières à travers le monde. Vous trouverez les rosiers anglais aussi facilement en Australie, au Japon, au Canada et aux États-Unis qu’en Europe et le marché pour les roses anglaises coupées, produites maintenant en Afrique, en Asie et en Amérique du Sud, ne cesse d’augmenter.
Aujourd’hui, l’entreprise est gérée par son fils, David J.C. Austin, mais David C.H. a continué à faire de l’hybridation jusqu’à la veille de ses 90 ans.
Son jardin
À côté de la pépinière de David Austin Roses à Albrighton, dans le comté du Shropshire en Angleterre, David Austin a aussi créé une superbe roseraie, le David Austin Rose Gardens & Plant Centre, considérée par certains comme l’une des plus belles roseraies du monde. La collection nationale de rosiers anglais est en vedette dans la vaste roseraie de 0,8 ha ainsi que des rosiers représentant presque toutes les autres catégories de rosiers : plus de 700 variétés au total.
Le jardin est divisé en pièces, chacune avec son propre thème et conçue pour inspirer les amoureux des roses. Si vous allez en Angleterre, je vous conseille fortement une visite.
Que d’honneurs!
En 2007, M. Austin a été nommé officier de l’ordre de l’Empire britannique pour ses services en horticulture. En recevant le prix, il a déclaré: «Tous les jours, je suis émerveillé par le fait que j’ai eu la chance d’avoir pu vivre de l’hybridation de rosiers. C’est toujours une grande satisfaction de voir le plaisir que les jardiniers et les amateurs de roses du monde entier prennent dans mes rosiers».
La même année, M. Austin lança son 200e rosier anglais lors de la Chelsea Flower Show, le magnifique ‘Munstead Wood’ aux fleurs pourpre foncé et, bien sûr, parfumées.
Les rosiers anglais ont remporté de nombreux prix dans le monde entier pour leur performance au jardin en tant que rosiers arbustifs ou grimpants, ainsi que pour leur parfum, tandis que David Austin Roses Ltd. a remportée des dizaines de médailles d’or pour ses présentations lors d’expositions de marque comme le Chelsea Flower Show et le Hampton Court Palace Flower Show.
David C.H. Austin a également reçu de nombreux prix en son propre nom, dont la médaille Victoria de l’honneur (Victoria Medal of Honor) de la Royal Horticultural Society en 2003 pour ses services à l’horticulture. Il a aussi été honoré du titre de «Grand rosiériste du monde 2010» par la Huntington Library, Art Collection and Botanical Gardens et la Manhattan Rose Society.
David C. H. Austin a été un hybrideur actif de rosiers pendant pratiquement toute sa vie adulte. Lui et feu son épouse, Pat, une sculptrice accomplie, ont eu trois enfants, Claire, David et James, ainsi que huit petits-enfants. Les magnifiques sculptures qui ornent le David Austin Rose Garden à Albrighton sont d’ailleurs l’œuvre de Mme Austin. M. Austin a nommé l’exquis rosier anglais ‘Pat Austin’, de couleur cuivrée, en son honneur.
Les rosiers de David Austin lui survivront. Quel bel héritage il a laissé au monde du jardinage!
J’ignorais tout de l’hybridation des roses anglaises. Très bel article et de magnifiques photos! Merci, Jardinier Paresseux!
Merci pour l’hommage à ce jardinier, à sa patience et pour les photos qui ‘énervent’…
(soupirs)… et question : (certaines de) ces roses survivent-elles à l’hiver québécois? Si oui, où peut-on en trouver et sous quelle « marque de fabrique » peut-on les identifier avec certitude?
Oui, les rosiers anglais (cherchez-les aussi sous le nom rosiers David Austen) sont généralement disponible en pépinière au Québec. Il suffit de les demander. La plupart sont rustiques en zone 5, certains en zone 4… ce qui est pas mal mieux que les rosiers hybrides de thé (zones 7 ou 8).
Merci!