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L’orchidée mal aimée

 

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L’épipactis petit-hellébore (Epipactis helleborine): l’une des rares orchidées qu’on traite parfois de mauvaise herbe. Source: Joachim Lutz, Wikimedia Commons

Les orchidées sont des plantes tellement désirables qu’il est difficile d’imaginer qu’il puisse exister des orchidées qui sont détestées… mais c’est bien le cas de l’épipactis petit-hellébore, aussi appelée épipactis à larges feuilles (Epipactis helleborine). Cette orchidée terrestre largement répandue en Europe et en Asie, notamment dans les milieux forestiers, est maintenant bien établie au Nouveau Monde aussi, particulièrement dans l’est du continent nord-américain. Au Québec, en Ontario et dans les Martimes, cette intruse est désormais de loin l’orchidée la plus courante!

Chaque printemps, je reçois des courriels, photos à l’appui, de cette «horrible mauvaise herbe» qui ose pousser là où on ne l’a pas plantée. La plupart des gens ne se rendent pas compte qu’il s’agit d’une orchidée… et d’ailleurs, peu leur importe cette information. Ils veulent qu’elle disparaisse!

Une description

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Au printemps, avant la floraison, on pourrait prendre l’épipactis pour un verdâtre ou un sceau-de-Salomon. Source: Orchi, Wikimedia Commons

L’épipactis forme une tige dressée, souvent un peu violacée à la base, portant de larges feuilles pointues aux nervures parallèles, un peu comme un mini-vératre (Veratrum spp.). Elles n’ont pas de pétiole, mais engainent la tige à leur base.

Si la plante semble vouloir former une rosette au début du printemps, elle change de forme en mûrissant. La tige continue de s’allonger et les feuilles alternes s’espacent. Au début de l’été, la tige florale (une par plante), se forme : un épi qui est arqué à l’extrémité au début, mais qui se redresse bientôt. La plante au complet atteint alors de 30 à 80 cm de hauteur.

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Quand l’épipactis fleurit, on voit bien que c’est une orchidée. Source: www.floraitaliae.actaplantarum.org

Au milieu de l’été (vers la mi-juillet au Québec), de petites fleurs verdâtre mauve à rosées, légèrement inclinées, s’épanouissent d’un seul côté de l’épi terminal. Si vous regardez attentivement, vous verrez clairement un labelle en forme de bol au centre de la fleur, preuve que c’est une orchidée.

Les couleurs des fleurs sont variables: juste dans ma propre cour, j’en trouve des vertes, des rose verdâtre et quelques-unes (les plus mignonnes à mon avis) d’un violet plus soutenu. Le labelle est parfois de couleur différente des tépales pointus.

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Capsules de graines de l’épipactis petit-hellébore. Source: Père Igor, Wikimedia Commons

Après la floraison, les capsules nervurées pendantes restent vertes jusqu’à la fin de l’automne, puis brunissent et s’ouvrent, lançant les graines au large. Fines comme la poussière, elles peuvent être portées au loin par le vent.

L’épipactis ne semble nullement dérangée par les mauvaises conditions: on la voit surgir au pied des arbres à enracinement dense où rien d’autre ne pousse et même dans les fissures des trottoirs.

La contrôler ou pas?

Une mauvaise herbe est tout simplement une plante qu’on ne désire pas. Donc, si vous n’aimez pas l’épipactis petit-hellébore, vous avez parfaitement le droit de l’appeler une mauvaise herbe. Pas moi. Je l’aime.

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L’épipactis pousse souvent où rien d’autre ne veut pousser, comme au pied de ce pin. Source: theirisandthelily.files.wordpress.com

C’est vrai qu’elle n’est pas si saisissante, mais ses petites fleurs m’attirent néanmoins. Et bien qu’elle apparaisse assez fréquemment dans les parties les plus ombragées de mon terrain (elle semble préférer l’ombre au soleil), je ne la trouve pas si envahissante. Même qu’elle est plutôt éphémère, disparaissant après la floraison pour apparaître ailleurs sur le terrain l’année suivante. Et bien qu’elle s’insère à travers les autres plantations, ce n’est pas une plante dominante qui étouffe ses voisines. C’est même plutôt le contraire! Quand les plantations se densifient, c’est l’épipactis qui disparaît. J’aime surtout sa capacité à pousser dans les endroits aux conditions misérables où peu de plantes réussissent.

On me dit que l’épipactis est difficile à contrôler, mais je soupçonne que le problème ne vient pas directement de la plante elle-même, mais de la méthode choisie pour la supprimer.

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En sarclant ou en arrachant les plantes à rhizomes traçants comme l’épipactis, vous empirez le problème plutôt que de le régler. Source: www.picgifs.com

C’est qu’il n’est jamais une bonne d’idée d’essayer d’arracher les plantes aux rhizomes traçants, que ce soit le chiendent, la prêle, l’herbe aux goutteux (Aegopodium podagraria)… ou l’épipactis. Plus vous tirez sur ces plantes, les arrachez, les sarclez et retournez le sol dans un vain effort de les détruire, plus elles drageonnent, car ainsi vous coupez leurs rhizomes en petits morceaux, chacun desquels donnera une nouvelle plante.

Si vous voulez vraiment vous débarrasser de l’épipactis, n’essayez pas de l’arracher, mais coupez-la plutôt au sol. En supprimant son feuillage, vous l’affaiblissez, car sans feuilles, elle ne peut plus faire de photosynthèse. D’accord, elle va essayer de repousser. Quand cela arrivera, coupez-la de nouveau. Et répétez l’opération à chaque fois qu’elle repoussera. Vous verrez bien qu’elle ne survivra pas longtemps à un tel traitement! Et elle disparaîtra sans produire de drageons!

On me dit également de l’épipactis qu’elle est résistante aux herbicides, mais je ne peux ni le confirmer ni le contredire, car je n’utilise pas de tels produits.

Dernier mot

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Épipactis petit-hellébore: pourquoi ne pas apprendre à l’apprécier? Source: wildadirondacks.org

Plutôt que de vous engager dans une lutte à mort avec l’épipactis, je vous suggère de reconsidérer la situation. Est-ce vraiment une mauvaise herbe ou n’est-elle pas tout simplement une plante fort intéressante que vous n’avez pas encore appris à apprécier?

Je vous laisse y penser!

Étiquettes + Épipactis petit-hellébore, épipactis à larges feuilles, Epipactis helleborine


commentaire sur "L’orchidée mal aimée"

  1. Michèle dit :

    Bonjour! Chez moi, c’est l’été dernier que je l’ai remarquée pour la première fois. J’en avais en tout environ 6 plants, à divers endroits, surtout ombragés. Je la trouve vraiment mignonne! Cette année, j’ai vu un plant, à un nouvel endroit mais pas encore aux sites de l’an dernier… À suivre! Grâce à votre article, elle a maintenant un nom! Merci!

  2. Charlotte dallaire dit :

    Est-ce qu’il y a des variétés qui peuvent s’acheter et que l’on peut planter et qui passe l’hiver ,même s’y elles drageonnent ça devrait être très beau ds mon boisé merci

  3. Gérard Lebel dit :

    Merci pour cet article. J’en ai aussi dans mon jardin sous un amelanchier. Je croyais qu’il s’agissait de tricirtis.

  4. Francine Banville dit :

    Merci pour cette description…..cette plante pousse chez-moi depuis quelques années. Et oui, je la considérais parmis les mauvais herbes. En effet elle pousse surtout à l’ombre sous mon gros épinette et s’étend dans la pelouse. Dorénavant je vais la regarder d’un autre œil. Mais au lieu de l’arracher ,je la couperai . Merci pour ces conseils……

  5. Fernande Pelland dit :

    Je ne l’ai jamais laissée pousser suffisamment pour admirer ses fleurs et sa beauté. Dans ce cas, j’ai été trop vite dans l’arrachage! Je vais la laisser pousser à l’avenir car elle est magnifique. Merci!

  6. SYLVAIN OUELLET dit :

    J,en ai même trouvé chez moi dans le bois au nord de l’Abitibi , j’étais vraiment surpris de trouver de ces orchidées par içi . Je vis tout près d,une réserve naturelle protégée (réserve William Baldwin ) qui est spécialement dédiée à la protection d,une espèce d.orchidée très vulnérable , l’aréthuse bulbeuse , on a même pas le droit d,y marcher sous peine d,amende !! Toutes les orchidées rustiques sont des plus bienvenues chez moi , je les adore toutes ! 🙂

  7. Luc-Alexandre Vendette dit :

    J’avais deux pousses qui sortaient du pallis sous mon Tilleul d’Amérique. J’ai arraché la première tige qui est sorti mais une 2e est sorti quelques jours plus tard. Curieux je l’ai laissé pousser. Voilà que je découvre cet article pour apprendre que cela serait probablement une orchidée. Ben oui!!! Les fleurs sont jaune et brunes. Très joli!!!

  8. Duirdryade dit :

    J’ai découvert cette “petite” merveille ce matin, me promenant sur mon terrain. D’abord un peu confuse, car la 1ère que j’ai apperçue se trouvait au milieu d’un potager(enclos anti-chevreuils) à l’abandon depuis l’été dernier et qu’en fait, je l’ai trouvé très grande(60cm finalement) et impressionnante( il y a 6 tiges regroupées,j’ai cru que c’était un plan).J’ai tout de suite remarqué que c’était une orchidée et me suis demandé comment elle était arrivée là. Il y a 3 autres tiges(solitaires celles-là) plus petites autour d’elles dans l’enclos. Je les trouve magnifiques. Je ne sais pas si elles sont odorantes:je n’ai pas osé vérifier,elles étaient très visitées(pollinisateurs).Cherchant aux alentours
    j’en ai trouvé d’autres petites à l’orée d’un sous-bois pas loin,puis l’autre côté du chemin à l’entrée de la forêt,surprise de ne jamais les avoir remarqué avant.Voulant vérifier si je pourrais en transplanter une,la tige m’est trop facilement restée dans la main!Je me suis ruée vers internet afin de l’identifier,espérant ne pas avoir arraché une espèce en danger(la prochaine fois,je vérifierai AVANT!) même s’il y en avait plusieurs.Si j’ai bien compris,si on en veut plus, c’est peut-être le meilleur moyen finalement?.

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