Il faut plus que des asclépiades pour sauver les monarques!

En Amérique du Nord, le déclin du papillon monarque (Danaus plexippus), ce papillon migrateur orange aux nervures noires qui hiverne au Mexique et en Californie pour se rendre jusqu’au Canada l’été, est très médiatisé. Sa population décroît depuis au moins 50 ans et, à compter de 2008, la population a chuté de façon particulièrement draconienne, de 1 milliard de papillons à 93 millions.
Plusieurs autorités attribuent une bonne part de la responsabilité de ce déclin à l’agriculture moderne, car l’utilisation routinière d’herbicides sur une grande échelle crée de vastes superficies où il ne pousse rien d’autre que la culture en question (maïs, soya, etc.). C’est que les monarques ne peuvent vivre dans ces milieux qui n’offrent pas les végétaux dont ils ont besoin pour se nourrir.
De plus, plusieurs années de perturbations climatiques au Texas, État américain par lequel tous les papillons de l’Est de l’Amérique doivent passer, sont venues aggraver la situation. Sans parler de la coupe des forêts au Mexique où les monarques passent plusieurs mois en dormance chaque hiver et de l’utilisation sans discrimination d’insecticides un peu partout le long de leur parcours.

Depuis quelques années, diverses associations qui font la promotion de la sauvegarde du monarque ont mis de l’avant l’idée de demander aux jardiniers amateurs de donner un coup de main à ces papillons en créant une oasis pour monarques sur leur terrain : une plate-bande chez eux où les papillons monarques seraient non seulement tolérés, mais où leur présence serait même encouragée. Si suffisamment de personnes créaient des plates-bandes de fleurs un peu partout sur la route que les papillons parcourent du Mexique jusqu’au sud du Canada, peut-être qu’on pourrait aider la population de monarques à récupérer!
Aussitôt dit, aussitôt fait!

Beaucoup de gens ont compris au moins un des éléments de cette stratégie : qu’il faut planter davantage d’asclépiades (Asclepias spp.). En effet, les larves (chenilles) de monarques ne peuvent se nourrir que d’asclépiades (et des plantes du genre africain apparenté Gomphocarpus) : ce sont leur unique source de nourriture. Elles meurent si on leur offre quoi que ce soit d’autre.
L’idée que la sauvegarde du papillon passe par la culture d’asclépiades est devenue tellement populaire que la vente d’asclépiades est montée en flèche au Canada et aux États-Unis : on dirait que tout le monde en plante… et c’est bien ainsi. Beaucoup d’associations semblent d’ailleurs s’arrêter à l’idée que la plantation d’asclépiades est la solution au problème, mais c’est un peu plus compliqué que cela.
En fait, tout aussi importants que la plantation d’asclépiades pour nourrir les larves sont la plantation et le maintien des plantes nectarifères pour les adultes, et surtout des plantes qui fleurissent à la fin de l’été et à l’automne. Les monarques adultes, en effet, ne sont pas du tout limités aux fleurs d’asclépiade, mais se nourrissent d’une vaste gamme de fleurs nectarifères, indigènes et importées. Il leur en faut pendant toute la belle saison.
Pénurie de fleurs automnales

Là où le problème se trouve le plus accentué est à la fin de l’été et à l’automne. C’est que, si au printemps la migration des monarques se fait en plusieurs générations, c’est-à-dire que les papillons «arrêtent» en chemin pour pondre et produire de nouveaux papillons qui continueront la route vers le Nord, et donc que les asclépiades sont essentielles pour nourrir les chenilles de la génération montante, le retour du Nord au Sud se fait dans une seule génération. Le même papillon né au milieu de l’été sur une asclépiade au Lac-Saint-Jean au Québec, à l’extrême nord de l’aire du monarque, doit voler par la suite jusqu’au centre du Mexique, soit à une distance de 4800 kilomètres. Tout au long de cette route, il a besoin de fleurs nectarifères.

Pendant son vol vers le Sud, le papillon n’a plus spécifiquement besoin d’asclépiades, car la femelle ne pondra aucun œuf et il n’y aura aucune chenille qui doive se nourrir de feuilles d’asclépiade. D’autre part, ce ne sera qu’au mois de mars ou avril, soit 5 à 7 mois plus tard, quand les papillons monarques se réveilleront de leur dormance hivernale, que la recherche d’asclépiades recommencera.
D’ailleurs, certains scientifiques considèrent que, dans l’effort pour essayer de rétablir la population des monarques, la plantation de plantes nectarifères à floraison tardive est encore plus importante que la plantation d’asclépiades! (Consultez l’étude du Dr Anurag Agrawal de l’Université Cornell: Linking the continental migratory cycle of the monarch butterfly to understand its population decline.)
Créer une oasis pour les monarques chez vous

Si vous voulez créer une oasis pour les monarques chez vous, voici quelques considérations :
- Elle sera idéalement au plein soleil dans un endroit protégé du vent.
- Elle contiendra des asclépiades pour nourrir les chenilles et une bonne variété de fleurs nectarifères pour nourrir les adultes.
- Plus la plate-bande sera vaste, plus elle sera fréquentée (avez-vous vraiment besoin de cette mer de gazon qui entoure la plupart des maisons et qui est l’équivalent d’un désert pour les papillons?).
- Apprenez à accepter que certaines feuilles soient mâchouillées. (Il faut bien nourrir les chenilles!)
- Évitez de traiter votre oasis avec des produits toxiques pour les papillons, comme les insecticides, préférant des traitements doux s’il faut intervenir : jet d’eau, récolte manuelle, etc.
Plantes qui nourrissent les monarques
Pour nourrir les larves de monarque, il est clair qu’il faut absolument des asclépiades.

L’asclépiade tubéreuse (A. tuberosa), zone 4, à fleurs orange ou jaunes, et l’asclépiade incarnate, aussi appelée asclépiade des marais (A. incarnata), zone 3, aux fleurs roses ou blanches, sont les plus faciles à trouver en pépinière. La première préfère les sols très bien drainés, voire secs, la deuxième, les sols riches et au moins un peu humides.

Dans l’est de l’Amérique du Nord, l’asclépiade commune (A. syriaca), aussi appelée petits cochons, est déjà fort répandue à l’état sauvage, mais peu disponible commercialement. De plus, elle peut être un peu envahissante pour une plate-bande.

Les jardiniers limités à la culture sur balcon ou terrasse pourraient essayer l’asclépiade de Curaçao (A. curassavica), d’origine tropicale, qui peut se cultiver en pot comme plante annuelle.
Il existe quelque 140 autres espèces d’asclépiades, mais leur distribution commerciale est fort limitée.
Voilà qu’on nourrit les chenilles, mais…!
Fleurs nectarifères
Pour les adultes, il faut une bonne variété des plantes qui produisent du nectar en quantité. Non seulement des asclépiades, mais des fleurs de toutes sortes.

Habituellement, les plantes intéressantes pour les papillons produisent des inflorescences aux fleurs regroupées comme les Astéracées, les Apiacées et les Verbénacées. Les papillons laissent habituellement la pollinisation des fleurs individuelles aux abeilles. Les fleurs vivement colorées attirent beaucoup l’attention des monarques, mais ils sont relativement indifférents aux parfums (sauf pour la fragrance de l’asclépiade qu’ils peuvent détecter à bonne distance). Attention aux fleurs doubles : souvent, la multiplicité des pétioles rend le nectar inaccessible aux monarques.
La croyance qu’il faut se limiter aux fleurs indigènes est erronée : des études plus récentes indiquent c’est un mélange de fleurs indigènes et importées qui attire et nourrit le plus de papillons.
Il faut bien finir la saison

À la fin de l’été, les monarques doivent boire beaucoup de nectar afin d’accumuler une bonne réserve de lipides, non seulement pour nourrir le long vol à venir, mais aussi pour assurer leur survie pendant les mois où ils seront en dormance, fixés sur les arbres au Mexique. Ainsi, ils fréquenteront encore plus les jardins à cette saison, non seulement en préparant leur envol, mais lors du trajet. C’est pourquoi il est doublement important de leur offrir une abondance de fleurs qui s’épanouissent à la fin de l’été et à l’automne, comme les suivantes :
- Achillée (Achillea spp.) — zones 2-9, selon l’espèce
- Agastache (Agastache spp.) — zones 4-9, selon l’espèce
- Agérate (Ageratum spp.) — annuelle
- Alysse odorante (Lobularia × hybridum) — annuelle ou zones 9-11
- Asclépiade (Asclepias spp.) — zones 3-10
- Aster (Aster spp., Symphyotrichum spp. et plusieurs autres genres) — zones 2-9
- Bois bouton (Cephalanthus occidentalis) — zones 4-10
- Boltonie (Boltonia spp.) zones 3-8
- Buddléia ou arbre aux papillons (Buddleia spp.) — zones 6-9
- Callistemon (Callistemon spp.) — zones 9-11
- Caryoptère (Caryopteris spp.) – zones 5-9
- Célosie (Celosia spp.) – annuelle ou zones 10-11
- Ciboulette ail (Allium tuberosum) — zone 3-8
- Coroépsis (Coreopsis spp.) – zones 3-9
- Cosmos (Cosmos spp) — annuelle
- Dahlia (Dahlia × hortensis) — annuelle
- Duranta ou vanillier de Cayenne (Duranta spp.) — zones 9-11
- Échinacée (Echinacea spp) – zones 3 à 9
- Eupatoire (Eupatorium spp., Conoclinium spp. et Eutrochium spp.) — zones 3-9
- Gaillarde (Gaillardia spp.) — annuelle ou zones 3-10
- Gomphocarpus ou bijoux de famille (Gomphocarpus spp.) — annuelle ou zones 10-11
- Gomphréna (Gomphrena spp.) — annuelle
- Héliotrope (Heliotropium arborescens) — annuelle ou zones 9-11
- Lantana (Lantana spp.) — annuelle ou zones 9-11
- Liatride (Liatris spp.) – zones 3-8
- Menthe des montagnes (Pycnanthemum spp.) — zones 4-8
- Mikanie scandente (Mikania scandens) – zones 6-9
- Monarde fistuleuse (Monarda fistulosa) – zones 3–9
- Népéta (Nepeta spp.) – zones 3–9
- Pentas (Pentas spp.) — annuelle ou zones 9-11
- Phlox des jardins (Phlox paniculata) – zones 3–8
- Rose (Rosa spp., variétés à fleurs simples) — zones 3–10
- Rudbeckie (Rudbeckia spp.) — zones 3-9
- Sauge (Salvia spp.) — annuelle ou zones 5-11
- Sauge russe (Perovskia spp.) — zones 4b-9
- Sédum (Sedum spp. et Hylotelephium spp.) — zones 3-9
- Séneçon orange (Pseudogynoxys chenopodioides, syn. Senecio confusus) — annuelle ou zones 10-11
- Silphium (Silphium spp.) — zones 4-8
- Soleil du Mexique (Tithonia rotundifolia) — annuelle
- Spirée (Spiraea spp.) — zones 3-8
- Tagète ou œillet d’Inde (Tagetes spp.) — annuelle
- Tournesol (Helianthus annua) — annuelle
- Verbésina (Verbesina spp.) – zones 4-8
- Verge d’or (Solidago spp.) – zones 3–9
- Vernonia (Vernonia spp.) – zones 4-9
- Véronicastre (Veronicastrum spp.) – zones 3-9
- Verveine bleue (Stachytarpheta jamaicensis) — annuelle ou zones 9-11
- Verveine bonne à rien (Verbena bonariensis) — annuelle ou zones 7-9
- Verveine du Canada (Glandularia canadensis) — annuelle ou zones 6-9
- Verveine hybride (Verbena x hybrida) — annuelle ou zones 9-10
- Zinnia (Zinnia spp.) — annuelle
Bonne chance avec votre propre oasis de papillons monarques!
No 46, verveine bonne à rien (bonariensis)?? Quelle insulte envers la magnifique verveine de Buenos-Aires , de son nom botanique « verbena bonariensis ». Une des meilleures plantes nectarifères que je connaisse pour attirer les monarques.
Je ne peux pas résister à ce jeu de mots et l’utilise chaque fois que je vois cette plante. Ce n’est pas parce que son nom botanique sonne comme bonne à rien qu’elle n’est pas superbe!
Ce serait quand-même bien, une fois les rires passés, de mentionner que bonariensis en latin signifie plutôt “buenos-Aires »
Très belle liste, merci! Je confirme que la verveine, les asters, les sédums ainsi que les sauges farineuses attirent les belles-dames. J’en avais des centaines l’automne dernier. J’espère que ces plantes seront aussi affolantes pour le monarque. A voir l’été prochain.
Bonne semaine!
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[…] connu au monde, plus d’une fois dans ce blogue (Contribuez à la conservation des monarques, Il faut plus que des asclépiades pour sauver les monarques, Les monarques débarquent en Europe!, etc.). Après tout, quel amateur de nature peut […]