Plantes aux feuilles bizarres: les feuilles qui bougent
De temps en temps, j’écris un article sur les feuilles bizarres. En voici un autre, à propos des plantes dont les feuilles sont motiles.
Les feuilles bougent tout le temps
En réalité, il n’est pas si rare que les feuilles des plantes bougent. Elles remuent notamment au vent, quand un animal les frôle et quand des gouttes de pluie les frappent. Cependant, il s’agit alors de mouvements causés par une action extérieure: les feuilles ne bougent pas d’elles-mêmes; quelque chose les a déplacées. Mais certaines plantes ont des feuilles qui bougent d’elles-mêmes et les raisons de cette motilité sont diverses.
Bouger pour se protéger
Beaucoup de plantes ont des feuilles qui s’enroulent sous des conditions stressantes — lors d’une sécheresse ou quand il fait très froid, par exemple — mais qui se rétablissent par la suite.
La fougère de résurrection (Pleopeltis polypodioides, anc. Polypodium polypodioides) peut survivre sans une goutte d’eau pendant de nombreuses années (jusqu’à 100 ans, paraît-il!), puis ses frondes, apparemment mortes, redeviennent complètement vertes et fonctionnelles dans les 24 heures suivant une pluie. Deux autres «plantes de résurrection», comme on appelle parfois ces végétaux capables de complètement s’assécher puis de renaître lorsqu’il pleut, sont la rose de Jéricho (Selaginella lepidophylla) et le ramonda (Ramonda spp.), une gesnériacée alpine.
Quant au mouvement pour mieux résister au froid, les feuilles de plusieurs rhododendrons rustiques (Rhododendron spp.) en sont d’excellents exemples. À l’automne, les feuilles s’enroulent et commencent à pendre. Plus il fait froid, plus elles se replient. Elles ont vraiment l’air en détresse! Pourtant, au printemps, au retour du beau temps, les feuilles se déroulent et se redressent, reprenant une position horizontale comme si de rien n’était. On pense que cette transformation hivernale aide à réduire la formation de cristaux de glace dans les cellules, ce qui aurait mené à la mort de la feuille.
Se tourner vers le soleil
Sur la plupart des plantes, les feuilles se tournent en direction du soleil, au moins dans une certaine mesure. C’est ce qu’on appelle le phototropisme, un terme qu’on vous a sûrement expliqué à l’école, mais que la plupart d’entre nous avons eu le temps d’oublier.
Si vous transplantez ou déplacez une plante, ou même si vous ne faites que couper une branche en surplomb, les feuilles s’ajusteront, changeant de position pour capter plus de soleil. La correction peut prendre plusieurs jours, voire des semaines, mais elle s’effectue quand même.
Le fait que les feuilles se dirigent vers la source de lumière est particulièrement facile à observer à l’orée d’une forêt, où la lumière vient du côté plutôt que du haut, et aussi chez nos plantes d’intérieur, car encore, elles reçoivent surtout un éclairage horizontal. Si l’on ne leur donne pas un petit quart de tour de temps à autre, la plupart des feuilles s’orienteront très nettement vers la source de lumière.
Les plantes qui bougent la nuit
D’autres plantes ont la curieuse habitude de replier leurs feuilles la nuit venue. Dans certains cas, elles se replient vers le bas; dans d’autres, vers le haut. On appelle ce phénomène la nyctinastie et il est en fait assez commun, surtout dans les familles des légumineuses (Fabacées) et de l’oxalis (Oxalidacées).
Vous avez peut-être remarqué ce mouvement chez le trèfle (Trifolium spp.) ou le faux trèfle (Oxalis triangularis), mais la plante nyctinastique la plus connue des jardiniers est la plante prieuse ou maranta (Maranta leuconeura), une plante d’intérieur populaire dont les feuilles se replient vers le haut la nuit comme des mains en prière.
Ce type de mouvement est causé par une structure en forme de charnière à la base de la feuille. Appelée pulvinus, elle est remplie d’eau pendant la journée, mais se draine la nuit, de sorte que le manque de turgescence de cet organe fait replier la feuille.
Les scientifiques ne savent pas encore pourquoi les plantes font cela, mais peut-être que cela aide à réduire la transpiration pendant que la feuille est «endormie».
Les plantes qui dansent
Il y a certaines plantes qui, dans des conditions appropriées, vont un peu plus loin que de simplement fermer leurs feuilles la nuit. Leurs feuilles sont aussi munies de pulvinus et oui, elles se referment aussi la nuit, mais de plus, pendant la journée, elles semblent constamment se réajuster. On croit qu’elles le font pour capter un maximum de soleil. Comme le soleil se déplace constamment dans le ciel, sa lumière filtrant à travers des branches surplombantes, cela crée un effet d’ombre et de lumière qui ne cesse de changer. Alors, ces feuilles passent la journée à se repositionner pour attraper le plus de lumière possible.
L’oxalide à feuilles d’hédysarum (Oxalis hedysaroides ‘Rubra’) et la plante qui danse (Codariocalyx motorius, anc. Desmodium gyrans) sont des plantes d’intérieur que l’on voit à l’occasion et dont les feuilles sont en mouvement constant. Cela n’est évident que quand la température est relativement chaude et que l’humidité atmosphérique est bonne. De plus, les mouvements sont subtils. Il faut fixer la plante pendant quelques minutes avant de les apercevoir. Très honnêtement, on ne voit rien au début, mais à force de fixer la plante, on remarque finalement que les feuilles bougent très peu, mais constamment. Après quelques minutes, le mouvement paraît si évident qu’on a de la difficulté à comprendre pourquoi on ne l’a pas vu dès le début!
Notez que l’oxalide à feuilles d’hédysarum réagit aussi au toucher (voir plus loin), mais seulement de façon très minimale.
La carambole (Averrhoa carambola), un fruitier tropical de la famille des Oxalidacées, a également des folioles qui se referment la nuit et qui bougent visiblement le jour bien que lentement… mais encore faut-il observer très patiemment!
Les feuilles qui bougent quand on les touche
Les plantes qui réagissent au toucher sont certainement les plantes les plus étranges parmi les plantes aux feuilles qui bougent. Ce phénomène, connu sous le nom de thigmonastie ou séismonastie, se produit quand quelque chose touche ou secoue la feuille. Et certaines réagissent aussi quand vous tenez une allumette à proximité.
Cette réaction peut être très rapide et est certainement bien visible. Comme pour les plantes nyctinastiques, c’est habituellement un pulvinus à la base de la feuille ou de la foliole qui se vide rapidement, provoquant l’affaissement des feuilles. D’ailleurs, la plupart sont nyctinastiques aussi et donc leurs feuilles se ferment la nuit et réagissent au toucher le jour.
La plante thigmonastique la plus connue est la sensitive ou mimosa pudique (Mimosa pudica), une légumineuse aux feuilles bipennées. Il s’agit d’une plante d’intérieur assez facile à cultiver, mais de courte vie, car habituellement elle meurt après la floraison. Dans les pays tropicaux, c’est une mauvaise herbe qui envahit gazons et potagers.
Sa réaction au toucher est phénoménale. Un léger contact provoquera l’effondrement d’une seule foliole, mais un contact plus ferme entraînera la chute de l’ensemble de la feuille. Secouer la plante provoquera le repliement de toutes ses feuilles. Et si vous passez un doigt le long de la feuille, les folioles se refermeront l’une après l’autre comme autant de dominos! Si vous laissez la feuille tranquille par la suite, elle se rétablira, mais moins visiblement, l’opération prenant de 15 à 30 minutes.
En plus d’utiliser les pulvinus, typiques des plantes nyctinastiques, pour faire replier les feuilles et les folioles en les vidant rapidement de leur eau, le mimosa peut transmettre la réaction aux feuilles ou folioles voisines en émettant un courant électrique qui imite le système nerveux des animaux. Il y a aussi une réaction chimique impliquée dans ce mouvement. La sensitive a été très étudiée, notamment par Charles Darwin, qui était fasciné par cette plante pas comme les autres.
On pense que la réaction au toucher de la sensitive aide à la protéger du broutage des animaux. Après tout, imaginez la surprise d’une vache qui s’apprête à manger une sensitive d’apparence verdoyante pour découvrir, dès que sa langue touche à la première feuille, que la plante ne semble plus avoir de feuilles (elles se sont repliées), mais présente plutôt un amas de branches apparemment brunes, sèches et, de plus, épineuses!
D’autres sensitives
Si M. pudica est la sensitive la plus couramment cultivée, il y a quelque 400 autres espèces dans le genre Mimosa, à la fois des herbes et des arbustes, toutes sensibles au toucher, bien que certaines soient plus «réactives» que d’autres. Il existe même une sensitive rustique (zone 5) qui peut être cultivée dans nos plates-bandes comme vivace, M. nuttallii.
Il faut faire attention aux plantes portant le nom commun mimosa. En effet, plusieurs autres arbres et arbustes sont ainsi nommés, mais ils appartiennent à d’autres genres et aucun ne réagit au toucher. Ils partagent quand même avec les vrais mimosas (genre Mimosa) des fleurs plumeuses et des feuilles pennées similaires et sont aussi des légumineuses. Parmi ces «prétendants non motiles», il y a Albizia julibrissin (arbre à soie) et plusieurs acacias, dont Acacia dealbata (mimosa d’hiver ou mimosa des fleuristes).
Il y a aussi plusieurs espèces de «sensitives aquatiques», les neptunies (Neptunia spp.), qui ont des feuilles bipennées semblables à celles de la sensitive et qui réagissent au toucher de la même manière. Comme leur nom l’indique, elles poussent dans l’eau ou au moins dans des conditions très marécageuses.
Moins connu, Biophytum sensitivum (communément appelé sensitive, comme les divers Mimosa) est une petite plante herbacée des Oxalidacées. Cette sensitive ressemble à un petit palmier et est parfois utilisée comme arbre miniature dans les terrariums et les jardins de fées. Elle est sensible au toucher… mais c’est aussi une «plante qui danse», car ces feuilles se déplacent toutes seules, changeant d’orientation d’après les mouvements du soleil.
Enfin, le pois perdrix ou pois sensible (Chamaecrista fasciculata, syn. Cassia fasciculata) est une légumineuse annuelle originaire de l’est des États-Unis de plus en plus cultivée comme plante mellifère à naturaliser qui a également des feuilles bipennées qui ferment la nuit… et qui sont légèrement sensibles au toucher pendant la journée.
Les carnivores à feuilles réactives
L’autre groupe de plantes sensibles au toucher est celui des plantes carnivores ou, plus précisément, insectivores.
La plus connue de ces plantes est la dionée attrape-mouche (Dionaea muscipula). Elle est souvent offerte comme plante d’intérieur, bien qu’elle vive rarement très longtemps sous les conditions d’un salon typique, étant incapable de tolérer l’eau du robinet et la chaleur hivernale. J’ai déjà écrit un peu à son sujet dans l’article Cinq plantes aux feuilles bizarres.
Ses feuilles en forme de piège à ours portent de minuscules poils sensitifs. Si un insecte touche à un poil, rien ne se passe. Cela est considéré comme une protection pour empêcher la feuille de fermer pour des raisons inopportunes, comme quand une goutte de pluie ou une feuille morte la touche en tombant. Cependant, si le poil est touché une seconde fois dans les 20 secondes suivantes, ou si un deuxième poil est touché dans le même délai, cela indique la présence probable d’un arthropode errant et le piège se ferme rapidement, en un dixième de seconde. Après cela, l’insecte est lentement digéré, puis le piège s’ouvre à nouveau, ce qui prend de 10 à 12 heures.
Pour en savoir plus sur la délicate culture de la dionée attrape-mouche, lisez Pas de hamburger pour l’attrape-mouche.
Moins connues que la dionée attrape-mouche, les utriculaires (Utricularia spp.) sont encore plus rapides que celle-ci. Leurs pièges en forme de vessie sont de petites feuilles modifiées, appelées utricules, conçues de telle sorte qu’un vide se forme à l’intérieur de chacune avec un «clapet» pour garder l’entrée. Si une puce d’eau ou un autre petit invertébré touche le poil sensitif situé à l’extérieur, le piège s’ouvre, aspire instantanément la créature, puis se referme. Cela ne prend que dix à quinze millièmes de seconde!
Cette plante est moins populaire auprès des jardiniers que la dionée, car son action se déroule plus ou moins hors de vue, sous l’eau ou même sous terre dans un sol détrempé, car les utriculaires sont des plantes aquatiques ou de marécage.
D’autres plantes insectivores ont aussi des feuilles motrices. Certaines espèces de rossolis (Drosera spp.) ont des feuilles qui s’enroulent autour de leur proie après que cette dernière se soit fait prendre par les poils collants qui les recouvrent, mais cela se produit si lentement que vous aurez besoin d’une vidéographie en accéléré pour remarquer le mouvement. Les feuilles de grassettes (Pinguicula spp.) s’enroulent aussi légèrement lorsqu’elles capturent une proie, mais leur mouvement est encore moins impressionnant que celui des rossolis.
Des feuilles qui bougent: une des petites surprises de mère Nature!
Est ce que la Sanguinaire du Canada fait partie de ce groupe?
Je trouve la feuille très maternelle, quand il fait froid elle s’enroule autour de la tige comme pour protéger la fleur.
Oui, c’est une plante nyctinastique:: les feuilles remontent le soir et, comme vous avez vu, par temps froid.
Je trouve ces phénomènes complètement extraordinaire! Un peu comme l’habilité à fleurir quand certaines plantes se sentent en danger. Je trouve ça épatant et je me demande sans cesse comment tout cela est possible, puisqu’elles ne réfléchissent pas, tout ça par instinct!! Elles ont conscience de leur environnement!! Bref ça m’épate 😛
Je suis entièrement d’accord avec vous. Dame Nature a tout préparé, même des côtés insoupçonnés!
Je recherche des infos sur les plantes « qui bougent «
Lors d’un séjour à l’ile Maurice j’ai pu remarquer des feuilles dont je ne connais pas l’espece qui bougeaient vraiment beaucoup alors qu’il n’y avait absolument pas de vent
J’ai fait une petite vidéo que je vous enverrai bien volontiers si cela intéresse quelqu’un et que ce quelqu’un peut me fournir une petite explication pour combler ma curiosité! Merci d’acance
Essayez de joindre la vidéo à un email adressé à jardinierparesseux.com. Parfois, cela fonctionne.
Bonjour, avant de vous faire part de ma demande je veux vous dire que je trouve vos article très très intéressant, ils sont clairs et très compréhensif et fascinant. Je sais pas si vous pouvez m’aider mais ça fait au moins 20 ans que je recherche une plante et n’ayant pas son nom je ne l’ai jamais trouvé. Je trouve quelle est à feuilles bizarre pcq de mémoire elle ressemblait à un genre de cactus. Mon professeur de 6e année qui l’avait apporté en classe appelez cette plante “mère poule”. Tout le long de ces feuille il y avait des pointes et à chaque pointes poussait un bébé (copie conforme à la plante-mère mais en très mini). On ramassait les bébé et les déposait dans la terre pour les transplanter. Est-ce que vous avez une idée de quelle plante il s’agit svp, merci. en espérant avoir de vos nouvelles bientôt par email s’il vous plaît, merci, Ingrid.
Il y a relativement peu de plantes qui produisent des bébés sur les feuilles. Je présume que c’était un kalanchoé, une plante succulente dont plusieurs espèces portent justement de tels bébés. (Voir https://jardinierparesseux.com/2017/01/16/mauvaises-herbes-dans-nos-plantes-dinterieur/). Vivez-vous au Québec? Je pourrais vous envoyé un bébé ou deux… au printemps (il fait trop froid maintenant).
Ma maranta a ses feuilles toutes enroulées quoi faire ?? Merci pour une reponse