Quand dame Nature offre une taille inattendue
Mère Nature ne supporte pas la faiblesse. Elle élimine impitoyablement les animaux et les végétaux imparfaits. En hiver, elle envoie la neige et la pluie verglaçante qui s’accumulent sur les branches et les arrachent et font même tomber des arbres entiers. En d’autres saisons, ce sont habituellement des orages et bourrasques qui causent des dégâts, jonchant le sol de branches et ramilles arrachés. Puis, subitement, la tempête est terminée, laissant le jardinier avec le travail de nettoyer les dégâts.
Les humains ont tendance à considérer ce genre de dommages comme une catastrophe, mais ce n’est pas nécessairement le cas. Pas du point de vue de mère Nature, du moins. Les branches arrachées étaient généralement mortes, mourantes ou faibles. La tempête a tout simplement fait le ménage. Quand un arbre entier tombe, c’est généralement parce qu’il était faible, vieux ou au mauvais endroit. Par exemple, une espèce pionnière aimant le plein soleil n’est plus en mesure de faire face à l’ombre grandissante lorsqu’une forêt mûrit et la tempête met fin à ses souffrances. Si nous laissons la nature suivre son cours, les arbres faibles seront remplacés par des spécimens forts… et quand les spécimens forts s’affaibliront, ils seront remplacés à leur tour.
Par contre, nous laissons rarement la nature suivre son cours… du moins, pas sur nos propres terrains. Nous aimons plutôt nous y immiscer, pensant bien faire: donner des coups sur les branches pour briser le verglas, tuteurer les branches faibles pour les redresser, remplacer un arbre mort mal adapté par exactement la même espèce, etc.
Apprenons à accepter la taille gratuite de dame Nature
Quand un arbre ou un arbuste subit des dégâts lors d’une tempête, il vaut la peine de se laisser un peu de temps pour penser avant de faire quoi que ce soit. (Et si les dégâts se produisent pendant l’hiver, vous aurez beaucoup de temps pour penser, car en général la taille se fera au printemps.) Peut-être que c’était, en fait, un mal pour un bien!
Rajeunissement des arbustes
Dans le cas de la plupart des arbustes, par exemple, quand on voit les branches plier au sol ou casser sous le poids de la neige ou du verglas, c’est comme si dame Nature nous disait très clairement qu’il est temps de leur faire une taille de rajeunissement. Il suffit de couper tout l’arbuste très court, à une hauteur de 15 à 30 cm du sol, ce qui éliminera les branches vieillies et faibles, les ramilles mortes, etc. Comme les arbustes feuillus ont la capacité de se régénérer complètement à partir de la base, l’arbuste se trouvera complètement rajeuni dans deux ou trois ans et sera probablement même plus attrayant qu’il ne l’a été depuis des années.
Par exemple, quand trois grosses branches du vieux lilas d’un voisin ont cassé à la suite d’une tempête de verglas il y a deux ans, nous avons découvert qu’elles étaient minées par des perceurs et, de plus, fortement atteintes par la pourriture. En rabattant tout l’arbuste (car d’autres vieilles branches aussi étaient mal en point), nous avons pu éliminer les perceurs et la pourriture et maintenant l’arbuste repousse sainement et vigoureusement. Sans doute qu’il aura besoin d’une taille similaire aux 25 à 30 ans environ.
Dommages aux conifères
Dans le cas des conifères, les branches qui plient ou qui cassent, surtout chez les thuyas («cèdres»), sont souvent attribuables à une surfertilisation: les engrais azotés de type «beau cèdre» ont tendance à stimuler une croissance rapide mais faible. Sachez que les conifères établis ont rarement besoin d’engrais. Laissez-les pousser selon leur vitesse normale, tout simplement. Habituellement, ils arrivent très bien à trouver les minéraux qu’il leur faut sans votre aide. De plus, les conifères qui poussent lentement sont les plus solides.
S’il y a des dégâts chez les conifères (des branches cassées ou arrachées), vous ne pouvez pas faire de taille sévère pour les rajeunir: contrairement aux arbustes feuillus, la plupart des conifères n’ont pas la capacité de se régénérer à partir du vieux bois (l’if est une exception à cette règle). Le mieux que vous puissiez faire est de raccourcir les autres branches, restant toujours dans la partie verte des ramilles bien sûr, pour essayer d’équilibrer leur apparence. Avec le temps, des branches latérales peuvent peut-être venir remplir toute trouée.
Quand un conifère ne fait que se plier au sol sous le poids de la neige ou de la glace et qu’il n’y a pas de bris, la situation est moins compliquée. Probablement qu’il se redressera avec le retour du printemps. Vous pouvez toujours tenter de doucement enlever la neige avec un balai si elle est légère, mais si la tige est glacée et figée en place ou si les aiguilles sont recouvertes de glace, essayer de corriger la situation pourrait endommager la plante et causer plus de mal que de bien. Rappelez-vous juste que la neige et la glace finiront bien par fondre un jour.
Si, au printemps, le conifère ne retrouve pas tout à fait sa forme, n’hésitez pas à le tuteurer et à le ficeler temporairement pour le redresser. Il peut être utile aussi de le tailler plus régulièrement, toujours en restant dans la partie verte, bien sûr, pour ralentir sa croissance et ainsi laisser son bois se lignifier davantage.
Une tempête peut être une bonne chose pour les arbres
En général, les dommages causés aux arbres par les tempêtes sont plutôt anodins… du point de vue de l’arbre, du moins. Peut-être que vous trouverez beaucoup de branches mortes ou faibles jonchant le sol que vous aurez à ramasser, mais généralement les arbres eux-mêmes sont encore en assez bon état après ce «nettoyage». En fait, les arbres poussent plus sainement là où il y a des tempêtes chaque année. Ainsi, toute croissance faible est éliminée sans tarder. C’est quand il y a eu plusieurs années de temps doux d’affilée et que survient une tempête vraiment sévère que des dommages plus sérieux ont tendance à se produire.
Si une branche majeure casse et que vous jugez que l’arbre est quand même récupérable, il faut sérieusement envisager d’appeler un arboriculteur certifié, non seulement pour obtenir son opinion, mais pour accomplir le travail. C’est le genre de taille qu’il vaut mieux faire faire par un professionnel, surtout si vous avez besoin de monter dans une échelle pour l’accomplir. Je conseille toujours aux jardiniers amateurs de toujours garder les deux pieds solidement au sol pour tailler. Si vous ne pouvez pas atteindre la blessure de cette façon, c’est un cas pour un arboriculteur professionnel! Et si vous décidez de risquer le travail par vous-même, portez au moins un casque de protection.
Si la branche s’est complètement arrachée du tronc, utilisez un couteau bien aiguisé pour égaliser les bords de la blessure, enlevant l’écorce déchirée ou décollée, les éclats de bois, etc. N’appliquez pas de peinture ou pâte d’émondage. Ainsi, la blessure pourra se compartimenter (se recouvrir d’écorce) rapidement. S’il y a encore un chicot important, enlevez-le juste au-delà du bourrelet cicatriciel de la branche (gonflement là où la branche rencontre le tronc). Si seule une partie d’une branche est arrachée, élaguez-la juste au-delà d’une branche de remplacement qui pointe dans environ la même direction que celle qui a cassé.
Et si l’arbre est complètement renversé ou est endommagé de façon irréparable, acceptez simplement que son heure soit venue. Ce ne sont pas tous les arbres qui sont faits pour devenir centenaires! Appelez plutôt l’arboriculteur pour l’enlever.
Les dégâts de tempête peuvent facilement nous intimider quand nous les voyons au lendemain de l’orage — toutes ces branches cassées et arrachées! —, mais rappelez-vous que c’est généralement un mal pour un bien: une taille gratuite de la part de mère Nature!
Si c’est la tete d’un conifere qui a ete coupee par une bourasque de vent, quoi faire?
Vous trouverez la réponse ici: https://jardinierparesseux.com/2015/07/12/une-nouvelle-fleche-pour-les-coniferes-etetes/
Lecture éclairante, merci! Quoi faire dans le cas de très jeunes arbres ou boutures dont le tronc est cassé mais encore attaché à l’arbre? (L’hiver 2019 a été rude!). Dans plusieurs cas, la partie cassée est remplie de beaux bourgeons, ce qui nous fait hésiter à la couper complètement.
Les arbres en question sont des pommiers, pruniers, poiriers et lilas.
Ce texte pourrait peut-être vous aider: https://jardinierparesseux.com/2018/12/26/comment-sauver-une-branche-arrachee/