Le fruit qui pue
Les Asiatiques l’appelle le roi des fruits, mais le durian, ce curieux fruit couvert de gros piquants, pue. Terriblement. À tel point qu’il est interdit l’apporter dans beaucoup d’hôtels et dans les transports publics dans les pays où il est couramment vendu. D’autant plus que l’odeur nauséabonde peut persister plusieurs jours.
Le durian est produit par un grand arbre indigène du le Sud-est asiatique: Malaisie, Indonésie, Nouvelle Guinée, etc. L’espèce la plus appréciée et la plus cultivée est Durio zibethinus, mais il y a environ 30 autres espèces.
Dans la nature, les fruits énormes (ils peuvent mesurer de 15 à 30 cm de diamètre et peser de 1 à 3 kg) tombent des arbres à maturité. (Vous comprendrez que les cueilleurs doivent porter un casque de sécurité!) Leur odeur est faible au début, parfois même assez attrayant, mais gagne d’intensité après 2 ou 3 jours.
L’odeur est conçue pour attirer les animaux de loin, jusqu’à 1 km. En effet, les cerfs, les cochons sauvages, les orang-outans, les éléphants et même les tigres vient chercher le fruit odoriférant et très nourrissant. Comme souvent ils transportent les grosses graines contenues dans le fruit ailleurs, c’est cela qui permet à l’arbre de se disperser.
Ma seule expérience gustative
J’ai «rencontré» le durian plusieurs fois lors de voyages horticoles dans différents pays asiatiques, notamment en Thaïlande, en Malaisie, en Chine et en Indonésie, à la fois l’arbre dans les jardins botaniques et le fruit dans les marchés publics. Habituellement on place les marchands de durians en périphérie du marché principal, pour moins déranger.
Des pancartes «pas de durian» sont postées partout dans les édifices publics et les transports publics… ce qui n’empêche pas les gens d’essayer de les passer.
Si j’ai vu et senti (d’une certaine distance) les durians plusieurs fois, je n’y ai goûté qu’une seule fois, au Jardin botanique de Bali (Kebun Raya Bali) en Indonésie. On nous l’avait offert comme dessert après un pique-nique… pour ceux que voulaient y goûter, bien sûr. Plusieurs se sont avancés pour y goûter avant de reculer, se pinçant le nez, sans y parvenir. Mais quelques braves participants ont réussi à ingérer quelques cuillerées.
L’odeur? Terrible, nauséabonde, comme le fromage le plus fort que vous avez jamais senti, mais deux fois plus intense. D’autres disent que ça sent les petits pieds, les oignons pourris ou le vomi. Le goût? Exquis, comme un gelato extra riche et sucré, avec des relents d’amande et de fromage à la crème. La chair fond dans la bouche, un peu comme celle d’un avocat, mais encore beaucoup plus crémeuse. Quelle belle expérience!
Mais personne ne m’avait prévenu de l’arrière-goût! Il dure un bon 5 minutes. Certaines personnes l’ont détesté et se sont rincé la bouche à répétition. Moi, je l’ai trouvé surprenant, curieux, mais pas désagréable pour autant.
Dans le métro de New York
Une fois qu’on a goûté un durian, on n’oublie plus son odeur. La seule fois que je l’ai senti en Amérique du Nord fut il y a New York il y a quelques années.
Je suis embarqué dans une rame de métro et la porte était à peine fermée que je l’ai senti: une intense odeur de pourriture et de petits pieds. Il y avait sûrement un durian quelque part! J’ai regardé les occupants. C’était tard le soir, presque minuit, et il n’y avait pas grand monde, seulement environ 10 personnes. Je remarquais bien inconfort des autres passagers, leurs narines s’agitaient, ils regardaient les autres voyageurs avec méfiance. Certaines ont changé de wagon au prochain arrêt; une personne a commencé à entrer, mais a vite changé d’idée.
Mes soupçons sont tout de suite tournées vers une vieille dame asiatique assise à côté d’un sac d’épicerie en tissu qui semblait faire exprès pour éviter les regards. Sous prétexte de changer de place, j’ai pu jeter un coup d’œil dans le sac. Et oui, à travers les autres objets, j’ai pu voir les grosses épines d’un durian. Voilà la coupable! Mais à New York, aucune pancarte ne défend son transport, donc à qui rapporter le crime?
J’ai cru bon de changer de wagon, tout simplement.
Vous voulez y goûter?
Les durians congelés sont largement disponibles dans les grandes villes nord-américains et européens, notamment dans les épiceries asiatiques. Si vous les mangez partiellement gelés, vous pouvez goûter au fruit sans l’odeur. Mais on me dit que les durians congelés, même quand ils sont dégelés et puants à point, n’ont pas autant de goût que les durians frais.
En saison, on trouve aussi parfois des durians frais dans ces mêmes magasins, réfrigérés pour réduire l’odeur avant la vente. Les amateurs de durian se plaignent toutefois de la qualité des durians expédiés de l’Asie, disant qu’ils sont rarement aussi goûteux et odoriférants que ceux vendus réellement très frais à quelques kilomètres de leur lieu d’origine.
Si vous voulez goûter à un bon durian frais, mûri à pointe, au minimum il faudrait que vous soyez accompagné au magasin par un ami qui connaît le fruit et sait reconnaître un bon: autrement, il est trop difficile de se faire avoir, car les marchands de durian ont la réputation de passer les fruits de troisième qualité aux ignares.
Faut-il donc voyager en Asie pour goûter un vrai durian? Probablement!
Goûter à un durian: à ajouter à votre liste des choses à faire avant de mourir!
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oh oui! je voudrais bien goûter au durian, tant pis s’il pue, il a une bonne tête en tout cas!
Ahah, j’en avais entendu parler, c’est clairement moins sympathique à mes yeux qu’un bon melon !
Je ne sais pas si j’aurai le courage (ou l’occasion) de le goûter un jour 🙂
Ah. Un article sur le fruit national de mon pays d’origine. La Thaïlande. C’est le fruit de mes toutes mes vacances d’été durant mon enfance jusqu’à l’adolescence. Oui l’odeur est repoussante pour les occidentaux. Mais chez nous on l’apprécie autant vert (croquant! Ça sent moins fort) que mûr, à la chair tendre et au parfum surpuissant. Je vais partager l’article avec mes soeurs. Nous n’en mangeons frais qu’en Asie ! Jamais en France.