Le mystérieux piléa «sans nom»
Est-ce possible qu’une plante puisse être distribuée à travers le monde sans qu’il ait été identifiée botaniquement? C’est peut-être le cas d’un petit piléa rampant à minuscules feuilles rondes bleu vert. Car il est largement distribué, à la fois comme plante d’intérieur et comme annuelle pour la décoration des contenants, même comme plante couvre-sol dans les pays chauds, mais personne ne semble connaître son nom botanique.
On le voit souvent identifié par le nom Pilea glauca, mais ce nom est ce qu’on appelle un nomen nudum en botanique: un nom apparemment scientifique, mais qui n’a jamais été correctement publié et qui est donc invalide. Dans ce cas, aucun botaniste n’a jamais décrit de plante sous le nom de P. glauca (il faut le faire officiellement, dans une publication scientifique, avec une description détaillée). Il paraîtrait qu’un pépiniériste floridien qui vendait cette plante l’a appelé P. glauca à cause de sa coloration glauque et que la communauté horticole ait accepté ce nom sans autre vérification.
On voit aussi cette plante vendue sous le nom P. glaucophylla, un nom qui a été correctement publié pour décrire un piléa découvert en Colombie (l’information circule faussement qu’il vient du Vietnam). Il y a juste un hic: le vrai P. glaucophylla est une plante dressée de 50 cm et plus aux feuilles oblongues de 10 à 15 cm de long. Autrement dit, elle ne ressemble nullement au petit piléa rampant en question!
Le botaniste David Scherberich du Jardin botanique de Lyon croît qu’il s’agit de P. libanensis, une espèce originaire de Mont Libanon, près de Guatanamo, Cuba, et en général, la communauté scientifique se rallie à ce nom. Mais il reste à confirmer cette identification en comparant la plante cultivée à un spécimen dans un herbarium reconnu, ce qui ne semble pas avoir été fait.
Même son nom commun varie: j’ai vu piléa glauque, plante feu d’artifice et plante aluminium alors que les Américains l’appellent gray artillery plant, gray baby tears, piléa aquamarine ou silver sparkles.
Facile à cultiver
Placez votre «piléa sans nom» au soleil ou sous un éclairage moyen, le cultivant dans un terreau pour plantes d’intérieur ou pour contenants. Arrosez-le bien, humidifiant toute la motte de racines, quand le terreau est sec au toucher. Il semble se contenter de peu d’engrais, qu’on pourrait appliquer à dose réduite de mars à septembre. Il tolère l’air sec qui règne dans nos maisons l’hiver tout en préférant une humidité de 50% et plus.
Plante tropicale, le piléa glauque croît mieux aux températures plutôt chaudes. Une source suggère une température minimale de 12?C, mais je ne crois pas que cela a été testé: il peut probablement tolérer plus frais encore.
On le multiplie facilement en pressant des sections de tige dans un substrat humide.
Notre piléa se cultive surtout en panier d’où il déborde très joliment. Il ne faut pas se gêner de pincer (tailler) ses tiges rampantes pour stimuler une croissance encore plus dense. Il peut également servir de plante couvre-sol en terrarium et est utilisé aussi dans les mosaïques tridimensionnelles et les murs végétalisés.
Curiosité
Cette plante, avec sa cousine, le piléa à petites feuilles (P. microphylla), est parmi les «plantes feux d’artifice». Quand vous l’arrosez, ses petites fleurs, qui autrement passent inaperçu, lancent du pollen dans l’air comme un mini feu d’artifice. Essayez et vous verrez: c’est surprenant!
Et voilà : une plante sans nom et pourtant bien réelle. En effet, un piléa bien mystérieux!
[…] via Le mystérieux piléa «sans nom» — Jardinier paresseux […]