Célébrons le «plus grand jardinier d’Angleterre»: Capability Brown

Portrait de Capability Brown.
Le 30 août 2016 est le 300e anniversaire de naissance de celui qu’on nomma le plus grand jardinier d’Angleterre, Lancelot Brown, beaucoup mieux connu sous le surnom «Capability». Son surnom vient du fait qu’il assurait toujours ses clients potentiels richissimes que leur terrain avait un bon potentiel («good capability») pour l’aménagement paysager.

Brown réalisa l’aménagement du terrain de Highclere Castle, mieux connu sous le nom fictif de Downton Abbey.
Même si, à l’époque, on l’appelait «jardinier», d’après nos notions modernes, il fut plutôt architecte paysager et entrepreneur paysagiste. Il conçut et réalisa plus de 170 parcs pour les nobles d’Angleterre, dont plusieurs, comme Bleinheim Palace, Kew Garden et Highclere Castle (utilisé comme site du tournage de l’émission télévisée Downton Abbey) existent encore aujourd’hui. Plus de 30 sont maintenant ouverts au public.
Une révolution

Le jardin à la française, ici à Versailles, fut presque balayée de la carte par le nouveau style pittoresque venant d’Angleterre.
Brown révolutionna d’ailleurs l’aménagement paysager, car il délaissa le rigide jardin à la française d’André le Nôtre, avec ses lignes droites, ses étangs symétriques et ses haies carrées, qui dominait jusqu’alors les propriétés des nobles d’Angleterre, pour une style beaucoup plus naturel, caractérisé par de vastes gazons ondulants, des ruisseaux en méandre, des bosquets denses et des lacs aux contours irréguliers. Il ne fut pas le premier promoteur de ce style, qui s’appellerait éventuellement style pittoresque ou jardin à l’anglaise (William Kent,1685-1748, notamment, un mentor de Brown, favorisera un style plus naturalisé dès 1717), mais c’est Brown qui l’amena à son apogée.

Audley End House peu après son réaménagement. Notez l’allure bucolique et apparemment naturelle.
Au cours de sa carrière de plus 50 ans, Brown a complètement remodelé les grands domaines de l’aristocratie terrienne anglaise, leur donnant l’aspect d’une version idéalisée de la nature, un style à la fois reposant pour les yeux et relativement peu coûteux à maintenir.
Il avait quand même des critiques, dont Russell Page, autre concepteur britannique de jardins, qui se plaignit qu’il «encourageait ses riches clients à arracher leurs splendides jardins à la française pour les remplacer par ses compositions faciles de gazons, de bosquets d’arbres et d’étangs et de lacs plutôt informes». Et Sir William Chambers, un autre compétiteur, commenta que ces aménagements «différent très peu de vulgaires champs, tellement que la nature y était copiée dans la plupart d’entre eux».
Néanmoins, Brown eut beaucoup d’influence et les aristocrates fortunés arrachèrent ses services. Vers la fin de sa vie, il gagnait environ 6 000 livres sterling par année, soit tout près d’un million en dollars d’aujourd’hui, et vivait sur son propre domaine à Fenstanton.
Un peu d’histoire
Capability Brown fut le fils d’un agent foncier et d’une femme de chambre et reçut une éducation très modeste avant de commencer à travailler comme apprenti jardinier à l’âge de 16 ans. Il travailla par la suite comme jardinier à divers domaines jusqu’à ce qu’il soit engagé par Sir Richard Grenville, Lord Cobham, pour œuvrer sur une de ses résidences secondaires, Wotton Underwood House.

Aménagement à Stowe House.
Reconnaissant son talent, Lord Cobham, le transféra à sa résidence primaire, Stowe House, considéré alors comme aujourd’hui l’un des grands domaines d’Angleterre, où il travailla un certain temps avec son mentor, l’architecte paysager William Kent, avant de devenir jardinier en chef des lieux. Lord Cobham permit à Brown de prendre des commissions de ses amis aristocrates, ce qui lança sa carrière.
À partir des années 1750, Brown était solidement établi comme «jardinier» et ne travaillait plus que pour les familles les plus riches. Il travailla entre autres à Croome Court, où il conçut à la fois la maison et les jardins, Warwick Castle, Milton Abbey, Harewood House et même au Palais de Hampton Court en tant que jardinier en chef du roi George III.
Brown avait la réputation de travailler très rapidement. On dit qu’il pouvait faire une tournée d’un domaine à cheval et pondre une esquisse de base en moins d’une heure.
Capability Brown décéda le 6 février 1783 à Londres après une vie remplie de réalisations, mais son influence ne s’arrêta pas là. Déjà pendant sa vie, ses idées avaient gagné le continent européen. Maints jardins à la française en France, en Hollande et en Espagne furent arrachés et remplacés par des jardins à l’anglaise. Même les empereurs de Russie adoptèrent le style au Palais de Pavlosk près de Saint-Pétersbourg.

Comme beaucoup de parcs urbains, Central Park fut fortement influencé par les oeuvres de Capability Brown.
En Amérique du Nord, Thomas Jefferson et John Adams visitèrent plusieurs de ses jardins en Angleterre in 1786 et rapportèrent le style en Amérique du Nord. Presqu’un siècle plus tard, le célèbre architecte américain William Law Olmstead conçut Central Park à New York et le Parc du Mont-Royal à Montréal en imitation des jardins de Brown.
Encore aujourd’hui, de nombreux parcs de ville dans beaucoup de pays mettent en vedette son aménagement verdoyant aux lignes ondulantes. Et les terrains de golf modernes, avec leurs gazons, bosquets et petits étangs, sont quoi sinon des copies un peu diluées des aménagements à la Brown? Il y a probablement un parc municipal près de chez vous qui porte l’empreinte de ce maître de l’aménagement paysagé naturalisé.
Liste d’œuvres
Voici une liste de plus de 100 des jardins de Capability Brown: https://en.wikipedia.org/wiki/Category:Gardens_by_Capability_Brown
J’ai vu un documentaire sur Stowe et donc, indirectement, sur Capability Brown (British Gardens in Time, épisode 2). Plus encore que le style de l’aménagement, son envergure – sa démesure – m’a estomaqué. Il a fallu disposer de moyens gigantesques, tant en argent qu’en main-d’oeuvre, pour le réaliser.
Bon anniversaire Monsieur Brown!
Merci pour cette page d’histoire. J’adore le style à l’anglaise, j’ai beaucoup de Brown en moi. ?
Bonjour. Je ne connaissais pas ce Monsieur Brown, mais je suis sûr qu’il va m’inspirer. Merci !