
Une vivace cultivée surtout pour ses fruits décoratifs? Il faut admettre que c’est assez inhabituel. Pourtant, les fruits constituent l’attrait principal de l’actée à gros pédicelles (Actaea pachypoda).

Ce n’est pas que sa floraison n’est pas jolie: les minuscules étoiles blanches portées au- sur une grappe terminale d’environ 30 à 90 cm de hauteur et sont bien acceptables, en plus d’être parfumées. Et le feuillage vert foncé est joliment découpé, à mi-chemin entre celui d’un érable et celui d’une fougère (autrement dit, similaire à celui d’un astilbe). Donc, la plante est plus que présentable au printemps… mais pas d’apparence réellement exceptionnelle.
C’est quand les fruits commencent à mûrir à la toute fin de l’été et à l’automne que les yeux sont vraiment rivés sur l’actée à gros pédicelles. À ce moment, les pédicelles (les tiges qui supportent les fruits), jusqu’ici minces et verts, enflent et deviennent rouge vif, alors que les fruits vert luisant deviennent blanc crème… avec un point noir à l’extrémité pour un peu de contraste, une caractéristique qui lui a valu le nom commun de «doll’s eyes» (yeux de poupée) chez les anglophones. L’effet est tout à fait original… et charmant.

Attention, cependant, les jolies baies sont toxiques. Il faut montrer aux jeunes enfants de ne pas les manger. Les oiseaux, par contre, les mangent impunément, habituellement après que les fruits ont subi quelques gelées.
La plante mesure environ 30 cm de hauteur dans sa jeunesse, mais tend à grandir avec les années pour atteindre 60 cm ou même 90 cm. Elle aura environ 30 à 60 cm de largeur.
Enfin, comme on peut s’attendre avec une plante indigène, sa rusticité est excellente: zone 3.
Ses origines

Dans la nature, l’actée à gros pédicelles pousse dans les forêts à feuilles caduques ou mixtes de l’Est de l’Amérique du nord. Au Québec, on le trouve surtout dans le centre et sud de la province. Il ne faut pas le confondre avec l’actée blanche (Actaea rubra neglecta), une proche parente avec une floraison et un feuillage similaires, aussi aux fruits blancs, mais dont les pédicelles restent minces et verts. Elle pousse plutôt dans l’est de la province.
On trouve aussi au Québec l’actée rouge (Actaea rubra), à fruits rouges, bien sûr.
Comment la cultiver
L’actée peut tolérer le soleil, mais réussit mieux à la mi-ombre ou à l’ombre, notamment au pied des arbres à feuilles caduques. L’emplacement idéal est donc dans un jardin de sous-bois.
Elle préfère les sols riches en matières organiques et est parfaitement à l’aise avec la litière forestière, cette couche de feuilles en décomposition qui recouvre le sol de nos forêts. De toute évidence, elle adorera aussi les paillis quand on la cultive en platebande.
Détail de grand intérêt pour les jardiniers aux prises avec l’ombre sèche, soit un sous-bois envahi de racines d’arbres, c’est le milieu naturel de l’actée à gros pédicelles: même le sous-bois d’une érablière, où les racines sont particulièrement abondantes, ne lui fait pas peur.
L’actée à gros pédicelles tolère les sols qui sont humides et mêmes détrempés au printemps, tant que le drainage est bon le reste de l’année. Les plantes bien établies sont assez résistantes à la sècheresse. Si l’été est très sec, cependant, son feuillage peut jaunir et s’assécher prématurément. Heureusement la plante reviendra quand même au printemps suivant.
La croissance de l’actée à gros pédicelles est quand même lente: il peut être nécessaire de masser plusieurs plants si vous voulez obtenir un effet rapide. Si vous êtes très patient, toutefois, la plante se ressèmera d’elle-même, du moins dans un milieu boisé, mais cela prend plusieurs années. L’actée à gros pédicelles n’est envahissante pour autant: elle ne se ressème que modestement. Vous pouvez alors prélever les jeunes plants et les transplanter ailleurs quand ils sont bien établis.
L’actée à gros pédicelle est une vivace de longue vie, 20, 40, 60 ans ou plus, et aucune division n’est nécessaire pour la maintenir. Par contre, vous pouvez la multiplier par division, de préférence à l’automne ou tôt au printemps.
L’autre méthode de multiplication est de semer les graines vous-même. Normalement on les sème en pleine terre à l’automne, mais attention, elles ont habituellement besoin de deux traitements au froid pour germer! Ainsi, si vous les semez à l’automne, n’attendez-vous pas à les voir germer que le deuxième printemps.
Pour accélérer les choses, vous pouvez semer les graines à l’intérieur à l’automne. Nettoyez les graines de leur chair, puis pressez-les, sans les recouvrir complètement, dans un pot de terreau humide. Maintenant scellez le pot dans un sac de plastique pour assurer une humidité constante et placez-le pot au réfrigérateur pendant 2 mois. Après ce premier traitement au froid, placez le pot à une température d’intérieur normale (environ 20 à 24?C) pendant 2 mois, puis remettez le pot au frigo pendant encore 2 mois. Quand vous exposez les graines à la chaleur par la suite, vous devriez obtenir une bonne germination dans deux ou trois semaines. Si vous ne trouvez pas de fruits à récolter dans votre sous-bois local, sachez que Gardens North offre des semences par la poste.
Peu de problèmes
Il y a peu de problèmes d’insectes ou de maladies avec cette plante. D’ailleurs, même les limaces et les cerfs de Virginie ne les apprécient pas. Le feuillage peut par contre brûler si vous le cultivez dans un milieu sec et ensoleillé.
Variétés
A. pachypoda ‘Misty Blue’ est un cultivar à feuillage bleu vert, autrement identique à l’espèce. Il est relativement facile à trouver en jardinerie.

A. pachypoda rubrocarpa est une variante à fruits roses à rouge pourpre portés sur un pédicelle rouge violacé. Il est beaucoup plus difficile à obtenir… et personnellement je le trouve moins attrayant que les variétés à fruits blancs.
Et voilà! Une jolie plante indigène pour votre sous-bois qui illuminera la forêt à l’automne. L’essayer c’est l’aimer!
J’ai planté cette actée (Actaea pachypoda) il y a 2 ans mais elle se fait bouffer, feuilles et fruits, et elle ne grossit pas. Je crains même qu’elle ne repousse pas au printemps prochain. Pourtant, elle a toutes les bonnes conditions énumérées dans votre article et le plant a été acheté chez un pépiniériste renommé pour les plantes indigènes! Pas de chance!
La question que je me pose est: qu’est-ce qui la bouffe? C’est une plante toxique: normalement, ni insectes ni mammifère ne le touchent. Qui donc le fait? C’est bizarre!